mises en relief de quelques données

  1. La chose dont on parle
  2. Lois
  3. Institutions
  4. La spécialité psychiatrique
  5. Les locaux
  6. Le personnel
  7. Les systèmes dans la législation
  8. Le maintien des lois d’exception d’origine

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*         Invention de la psychiatrie 

 

De plus en plus de sites internet (http://psychiatrie.histoire.free.fr/) rendent compte, avec précisions et documents, des données légales, institutionnelles et domestiques, ce qui permet de limiter notre apport ici à des « mises en relief ».

 

1.      La chose dont on parle

A tort ou à raison, la médecine moderne fonctionne selon le principe des maladies : L’homme est sain ou malade. S’il est malade, c’est qu’il a une ou plusieurs maladies, connues ou inconnues. L’étude de chaque maladie comporte celle des symptômes, des causes, des traitements, etc..

La chirurgie fonctionne sur le principe de l’intervention sur une partie matérielle précise du corps humain.

Pour la psychiatrie, la question s’est posée depuis longtemps de savoir sur quel modèle la façonner, en commençant par l’alternative spirituelle ou matérielle. Des maladies ont été décrites (Cf. problématique sociale) sur le modèle médical, en construisant une « nosologie psychiatrique ». « nosologie »: du grec « nosos = maladie » et « logos = élocution sur[1] ». Donc la nosologie est la « science de la classification des maladies ». Aucune nosologie psychiatrique ne recueille l’unanimité. Il y a eu des divergences considérables suivant les écoles et les pays. Avec le temps, le sens des mots change, en psychiatrie comme en médecine[2]. De plus les même mots ne veulent pas dire la même chose d'une langue à l'autre.

L’école française du XIX ème siècle a été très féconde en descriptions sémiologiques extrêmement fines, et à partir de monographies cliniques a conçu des entités noso-graphiques précises très élaborées. Ces entités ne sont plus guère utilisées en pratique pour plusieurs raisons invoquées, parmi lesquelles leur complexité, mais aussi la question des « modes » et de l’évolution des catégories morbides avec  le temps (Cf. Jeanne Goldstein). Il est certain aussi que les conditions d’observation différentes font apparaître des expressions différentes. Une raison plus profonde et radicale nous semble être qu’en psychiatrie il n’est pas possible de faire entrer sans forçage les pathologies de chacun dans des entités morbides préconçues, tant chacun est particulier, et les concepts à ce jour incertains. Ainsi le modèle médical classique ne serait pas pertinent. A partir de telle constatation se développa la méthode bien particulière de l’investigation psychanalytique.

Pour toutes ces raisons, les « anglo-saxons » ont cherché à rassembler une liste de critères de « morbidité » selon une sélection standardisée. Ainsi est né le « DSM » (« Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders »), aboutissant à une classification qui est évolutive : On parle de « version 3,4,5,6… », comme pour un « logiciel d'informatique ». Les critères pourraient faire intervenir des éléments multiples, aussi bien génétiques que sociaux, en conjuguant l’expression avec sa probabilité. Il va sans dire que cette classification ne fait pas l’unanimité[3], mais comme la psychiatrie se fait de plus en plus en « américain », ce mode « d’appréhension » est devenu important.

D’évidence, cet ensemble de constatations fait ressortir combien il est indispensable d’écarter les « artefacts » de l’emprise administrative, pour se consacrer efficacement à l’écoute des expressions cliniques authentiques.

 

2.      Lois

La législation, en France, qui est ici notre propos, ne tient pas compte ( pour l'instant) de la « nosographie » : La préfecture, reconnaissant que sa compétence n'est pas du domaine « médical », (alors que la psychiatrie est considérée comme une médecine), utilisait, dans les années 80, des formules comme « anormal N° x ». Je ne sais si c'est encore le cas. Autrefois, on internait des "aliénés" avec des diagnostics comme "perversion  morale", sans même se poser la question de savoir s'il s'agissait de "maladie"

ou de simple "état de fait". Il faudrait même ici se livrer à des débats authentiquement linguistiques.

Mais il faudra, dans l'avenir, de plus en plus, tenir compte des données internationales. Car ces lois doivent être compatibles avec l'environnement international, selon une hiérarchie juridique, et, dans une certaine mesure, d'influences. Or actuellement, la psychiatrie française n'a même pas encore été remise en accord avec notre Constitution de la cinquième république (1958), laquelle est censée être au-dessus des arrêtés préfectoraux.

Par exemple l'Espagne, après sa nouvelle constitution de 1978, a du refaire toutes ses lois de psychiatrie afin d' arriver à un accord constitutionnel.

 

3.      Institutions

Certains couples d'opposition lexicale, comme par exemple « médecine privée /médecine publique », sont, en réalité très difficiles à définir: D'abord on pourrait se demander comment des soins délivrés au public peuvent être privés, particulièrement lorsqu’ils ne pas être demandés par le patient, mais seulement par un « un tiers ».

Le secret professionnel subit en psychiatrie de nombreuses « dérogations », même si le médecin exerce "en privé".

La prise en charge économique, plus ou moins par la « Sécurité Sociale », est régie par des accords complexes.

Il s'agit généralement de contrats entre plusieurs organismes "privés, "mais "imposés"par l'Etat.

 

4.      La « spécialité psychiatrique »

La psychiatrie existe, dans les textes officiels, comme spécialité médicale , depuis 1970. Auparavant, les psychiatres étaient des "neuro-psychiatres", l’ancienne spécialité unique de "neuro-psychiatrie" étant maintenant scindée en deux.

 

5.      Les locaux

Les "hôpitaux  psychiatriques ", qui ont si souvent changé de noms, ce qui continue d'ailleurs, sont "publics", depuis la fameuse loi fondatrice du 30 juin 1838.

Au départ, ils étaient départementaux, gérés par un système de tutelles complexes, où prévalaient les fonctions des préfectures.

Ceci est un premier point opposant "Etablissements publics", aptes à accueillir des personnes "internées", et les "Etablissements privés", aptes à le faire uniquement selon des accords ponctuels et, donc, des conditions précises.  Les contrôles de ces établissements ne sont pas les mêmes.

J'avais lu un "tract" invitant à des manifestations, émanant d'une clinique privée, qui cherchait à éviter sa fermeture, qui se disait être "la plus publique des cliniques privées"!

 

6.      Le personnel

Il y a le personnel soignant et le personnel administratif.

Par exemple, dans une procédure « d’hospitalisation-sous-contrainte d’office  préfectorale », un « patient » est confié, par la police, à un « directeur d’établissement »

( personnel administratif)  à charge pour lui d’installer le patient dans l’établissement, et de ce fait, celui-ci donne des ordres aux infirmiers (fonction administrative des infirmiers), et à charge au médecin d’examiner le patient, d’envoyer des certificats  de différents types à la préfecture (fonction administrative du médecin) , et d’organiser les soins (fonction médicale du médecin ), en donnant pour cela des ordres aux infirmiers (fonction médicale des infirmiers).

Les médecins de ces "Etablissements publics de Psychiatrie" (de même que ceux des hôpitaux généraux, "non-spécialisés", comme ceux dépendant des "assistances publiques"  [qui sont des organismes privés eux], sont nommés (depuis 1936, car auparavant ils étaient nommés par le Ministère de l'Intérieur) ,aujourd'hui, par le ministère de la Santé. Ils ne sont pas des fonctionnaires, (contrairement à ce que j'ai entendu dire à un journal télévisé). Mais les infirmiers le sont. Toutes ces données sont très importantes, surtout quand de puissants systèmes d'influences se contrarient, les acteurs en venant à être complètement interloqués.

 

7.      Les systèmes dans la législation

En gros il existe donc un "système de soins privé" qui serait "libre",choisi librement par le patient, lequel resterait libre de quitter ce système à tout moment, opposé à un "système de soins public" qui accueillerait des patients contraints d'y être "hospitalisés sous contrainte ", amenés soit par des infirmiers, soit par des services de police, (arrivant souvent "menottés").

Cependant, il existe des formules permettant aux  cliniques privées (on utilise  souvent le mot clinique lorsque l'établissement est privé, mais ce n'est pas une règle    [en grec : "clunè"="le lit"]de recevoir des "hospitalisés-sous-contrainte ", et nous allons voir que les établissements publics peuvent accueillir des "services libres").

Le choix peut être déterminé par le niveau "social" ou "économique" du patient, mais ce n 'est pas une règle non plus.

En effet, à l'origine de la création de ce qui deviendra petit à petit les «  services de psychiatrie publique » que l on connaît aujourd’hui, en 1838, tous les "patients", appelés "aliénés", étaient  "internés" dans ce que l on appelait les "asiles d'aliénés départementaux", c'est-à-dire privés de liberté, pour une durée totalement indéterminée.

Maintenant, depuis l'apparition progressive du "service libre", progressivement depuis 1923, et proclamée par la loi du 27 juin 1990, il existe deux formes théoriques d'hospitalisation :

1.      La première est l "Hospitalisation libre" qui serait identique a une hospitalisation en n'importe quel hôpital,  le patient signant sa demande et son entrée, et libre d'y mettre fin quand il le désire.

2.      La seconde est un type  d’"hospitalisation sous-contrainte",  faisant l objet de dossiers géres  à la préfecture, dont il y a deux subdivisions :

*   L' "hospitalisation d'office", décidée par un "arrêté préfectoral " ;

*    et l' "hospitalisation à la demande d'un tiers", ce demandeur étant "civil", mais devant répondre à des conditions précises d'identité et de rapports au patient .

 

Il s agit donc dans ces deux cas de « privation de liberté" sans jugement » de tribunal, et donc de "dé-judiciarisation" violant les « droits à la défense »  du citoyen.

On aura compris, à travers ces lois, que « l'Etablissement de psychiatrie publique de Secteur » reste très marqué par son ancêtre « l'asile d'aliéné départemental ».

Les choses proviennent de la législation en vigueur, quelles que soient les apparences (grilles, clés, etc...... ne sont que ce que l'on en fait !)    et non pas d'un vague halo de coutumes, car certains acteurs de la situation la déplorent, mais sont contraints de s'y soumettre.

 

8.      Le maintien des lois d’exception d’origine

c’est le premier Code Pénal (celui de Napoléon en 1810) qui a fait le " lit de la psychiatrie". l’ « article 64 » de ce Code énonce : "il n 'y a ni crime ni délit si l inculpé était en état de démence au temps de l'action", ce qui est très différent de ce qu'auraient pu être d'autres formules d'absolution,  soit concernant la responsabilité d'un acte ayant tout de même eu lieu, soit concernant l'impossibilité de juger une personne démente au moment du jugement. Cet article du Code Pénal, fondateur, existe maintenant sous la forme du 122-1 du nouveau code pénal, dans un vocabulaire beaucoup plus nuancé ,pour ne pas dire quelque peu confus.

Cet article s'applique potentiellement à tout citoyen, qu'il s'agisse d'un individu sans rapport antérieur avec la psychiatrie, d'un patient en soins avec un psychiatre privé, ou avec un psychanalyste, ou enfin qu'il s'agisse d'un patient déjà en soins avec un psychiatre du service public, sous quelque forme que ce soit.

Dans tous ces cas, il est ,de ce fait, souvent très difficile au thérapeute de travailler avec un patient que les autorités n' ont de cesse de "dé-responsabiliser" ou plus exactement de dire que ce qu'il fait "n'existe pas" ,en appliquant cet article de loi qui nie "les faits" . On comprendra vite que le « rapport à la réalité » d'un patient auquel cette loi sera appliquée deviendra difficile à établir : cette loi est "confuso-gène".

Au total cet article déplorable du code Pénal est susceptible de "dé-judiciariser" n'importe quel acte de n'importe quel citoyen. Son application est , en théorie, ponctuelle, c'est à dire qu'elle concerne l'acte et non la personne, mais par sa pratique parfois répétitive, elle prend alors l'aspect d'une mesure "systématique" concernant la personne. Cette "de-judiciarisation" ,découle du prononcé d'un "non-lieu" par un juge, et, bien sûr, pas par un psychiatre, comme le croit très souvent le "public".Terminons en disant qu'aucune de ces figures , en pratique, n'est rare. Au vu du fait que la psychiatrie devient omniprésente, on peut même dire que ces mesures sont de plus en plus réquentes, les « hospitalisations-sous-contrainte » étant appliquées plus de 50.000 fois par an en France.



[1] On essaie très souvent, tout au long de ce site, de rappeler ou de se rapprocher des étymologies, pour de multiples raisons, parmi lesquelles : la compréhension des concepts exprimés, de leur éventuelle évolution, la redécouverte et/ou une meilleure acceptation du français, parfois l’explication de « l’orthographie » (pas toujours !), et, chose importante, oeuvrer pour la compréhension de langues sœurs (ou filles), parmi lesquelles on n’omettra pas l’anglais (à la fois langue sœur puisque l’anglais est une langue européenne, et que l’Angleterre fut conquise par Rome, et fille puisque l’Angleterre fut conquise par la France en 1066) et l’américain des USA (qui doivent à notre aide leur indépendance).

Enfin, bien sentir les différences est toujours la meilleure façon de rendre possibles les rapprochements.

Ici : « Logos » est de la même source que « loquor » en latin, d’où « locuteur » et « élocution » en français.

 

[2] L’immersion culturelle infléchit considérablement l’appréhension des expériences : « L’insomnie » devient vite une maladie et ce qui était autrefois « interrogation, expérience ou angoisse existentielle » devient vite une authentique et insupportable « dépression » qu’il faut traiter. « O tempora , O mores ! ».

 

[3] Qu’on ne s’y trompe pas, la question qui nous semble fondamentale ici, et pour laquelle nous défendons une méthodologie, tout au long de ce site, n’a rien à voir avec le fait d’être « pour » ou « contre » une « modernité », par exemple celle de l’apport des ordinateurs, et autres « mécanisations ». Les performances des logiciels, de plus en plus « intelligents » sont déjà devenues stupéfiantes, et on reste parfois ébahi devant la qualité de certaines analyses qu’aucun être humain ne serait capable d’égaler.

Un ordinateur pourra, peut-être, un jour, remplacer certaines tâches du psychanalyste. Peut-être encore pourra-t-il s’auto-programmer pour certaines tâches.

Mais c’est dans la relation au patient, et dans ce qui est considéré comme étant « un patient », que se situent toutes les questions :
Lui, « que veut-il » ? « que demande-t-il » ?

Est-il possible, qu’un psychiatre, un psychanalyste, voire un ordinateur, sache mieux que lui « ce qu’il sait », « ce qu’il veut vraiment », « ce dont il a besoin », et, finalement, « ce qui est bon pour lui » ?

Et ce « Bon », doit-il prendre origine de « lui », ou de « l’autre » ?

Cette dernière interrogation sur « le Bien et le  Bon », « Pour qui ? pour soi ? pour les autres ?séparément ? simultanément ? », introduit, in fine, dans la fonction envisagée pour cette relation ainsi conçue, la dimension « éthique ».

Cette dimension, jamais explicitée, voire ni  interrogée, ni analysée ni même seulement aperçue, renvoie à la confusion, ou au mélange, dès  les origines de « l’invention de la psychiatrie »,  entre « l’administration et les soins », voire « le politique et l’éthique », et « le Bien pour soi » avec «le Bien pour les autres », confusion d’autant plus prégnante que ladite science se propose des opérations de classifications et  de sanctions affirmant et confirmant, plus qu’il n’avait jamais été envisagé, ce « clivage irrémédiable dans l’individualisme ».

Ces mélanges et/ou substitutions interdisent toute résolution des présupposés : Comment à la fois décréter que « lui n’est pas l’autre », et les confondre dans la méthodologie des mesures?

Ce « supposé patient », ou « supposé aliéné », selon l’origine médicale ou administrative du regard posé sur lui, « Qu’attend-on de lui » ?
Doit-t-il être « façonné » de manière à parvenir à une intégration réussie, ou, au contraire donner naissance à un « lui-même » encore inconnu, sans « garde-fou », échappant ainsi à toute intégration à des données, même potentiellement et virtuellement, programmables ?

Autrement dit, dans ce second cas, du côté thérapeute, l’informatique, si cela était possible, pourrait aider le médecin, mais, à ce jour, avec quel logiciel ? Telle est la question. L’affaire n’est d’ailleurs pas différente ici de toute la mesure dans laquelle, par exemple, une psychanalyse « échappe », finalement, au psychanalyste qui en a dirigé la mise en scène.