psychiatrie : mise en tableaux de repères historiques et fonctionnels

Musique de Vladimir Cosma, du film La Dérobade (1979)

Page reprenant les tableaux conçus déjà depuis 20 ans :

I.                 Historique 

II.            Les Fonctions 

III.       Compréhension de la Systématisation

 

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I. Historique (« La dé-judiciarisation ») in : page « index » : lien hypertexte : ( http://jdeperson.free.fr/ ) :

 

Actuellement, la psychiatrie française est une pratique hybridecomposé de deux fonctions, généralement mêlées, rarement séparées :

  1. L’une est une fonction« administrative et/ou dogmatique médico-préfectorale », déconcertante.
  2. L’autre aspirerait à être une fonction « soignante ». Mais les soins sont compromis dès la prévalence décisive de la première.

En réalité, ces deux fonctions sont incorporées dans un système beaucoup plus vaste  constitué de deux parts, juxtaposées, l’une juridique, l’autre exécutive.
C’est le couple de ces deux parts que nous appelons « Système psychiatrique français ». En réalité, ont existé successivement, depuis 1838, deux systèmes psychiatriques français, très peu différents entre eux, dans lesquels :

 

  1. L’origine fonctionnelle est d’ordre juridique : non-lieu avec « dé-judiciarisation des actes ». (loi venue en second dans le second système : Cf.  Analyse et commentaires du 122-1 page : )
  2. Cette dé-judiciairisation est suivie et complétée par une intervention d’ordre préfectoral qui prononce une « contrainte par corps » appelée aujourd’hui : « hospitalisation sous contrainte ».

 

Systèmes :

Ordre judiciaire

Ordre préfectoral

« Premier système psychiatrique français » (obsolète)

Code pénal de 1810

(article 64)

 

1838 : Création des « Asiles d’aliénés » 

« Second système psychiatrique français »(actuel)

Code pénal de 1992-1994 (article 122-1)

1990 : « Hospitalisations sous contrainte »

 

NB : Dans ce tableau la lecture de «  » puis «  » indique l’ordre logique des opérations,

et les flèches  «  » indiquent l’enchaînement chronologique dans l’apparition  des lois.

 

2° En conséquence, faire comprendre et reconnaître la nécessité de séparer les systèmes de prises de charge des« soins médicaux » et de« l'ordre public ».

Cela implique donc la suppression :

  1. de la « loi hospitalière de 1990 » sur les « hospitalisations sous contraintes » qui dérive de la loi de 1838 instituant « l’Asile  d’Aliénés Départemental »,
  2. et de « l’article 122-1  du nouveau code pénal », qui dérive de « l’article 64 du code pénal de 1810 » soustrayant à la justice les actes considérés comme ayant été produits par une personne « en état de démence au temps de l’action ».

 

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II Les Fonctions : L’ordre judiciaire et l’ordre préfectoral : in page : « article 122-1 » du Code Pénal : lien hypertexte : ( http://jdeperson.free.fr/page web 33.htm )

Depuis 1990, l’exécutif « mène la danse », officiellement, alors que sa directivité de 1838 à 1990 n’avait été qu’officieuse.

La justice a maintenant des comptes à lui rendre, et la psychiatrie en fait les frais.

Le nouveau Code Pénal de 1992 est venu le confirmer, et la position de l’exécutif semble ainsi très solidement installée.

Par exemple, avant 1990 les services des tribunaux pouvaient « téléphoner » aux services de la préfecture, selon leurs choix, pour les avertir, s’ils le jugeaient opportun : la transmission matérielle des dossiers est devenue maintenant légale depuis 1990  , et même obligatoire.

 

La solidité apparente de l’installation de ce nouvel ordre social est-elle une réalité qui résistera aux critiques qu’elle engendre ?

  1. Dans le « premier système psychiatrique français (1810 – 1838) », logiquement, « l’ordre judiciaire » (non-lieu), de 1810, avait engendré « l’ordre exécutif » (préfectoral) de 1838 : L’opération judiciaire intervenait normalement avant l’opération préfectorale. Le premier système n’autorisait pas la transmission de dossier judiciaire à la préfecture.

 

  1. Mais dans le « second système psychiatrique français (1994– 1990) », la réforme de « l’ordre préfectoral » par la loi du 27 juin 1990 est venue avant la réforme de « l’ordre judiciaire » par le nouveau code pénal (1992-1994). C’est la réforme de la loi de 1990 qui légalisa pour la première fois le transfert des dossiers dits de psychiatrie (expertises, etc.)du judiciaire à l’exécutif, en cas de « dangerosité estimée », chargeant ainsi la préfecture d’y donner suite.

  

Engendrements  =>

Ordre judiciaire : Code pénal

Ordre préfectoral

Dossiers des « supposés patients »

« Premier système psychiatrique français »

1810

(article 64) 

1838 : Création des « Asiles d’aliénés »

Séparation des dossiers

« Second système psychiatrique français »

1992-1994

(article 122-1)

 1990 : « Hospitalisations sous contrainte »

Transmission du dossier judiciaire à la préfecture en application de l’article L.348 de la loi de 1990

 

« Nouvel ordre idéologique »

 

Nouvelles chronologies des pratiques, en pratique .

 

5.      La mise en parallèle des dates dans les deux systèmes fait ressortir « un nouvel ordre logique », rendu possible par l’utilisation administrative de la psychiatrie, celui d’une primauté de l’exécutif sur le judiciaire, qu’il est significatif de souligner car il témoigne, en réalité, d’un changement idéologique important, qui a des traductions pratiques immédiates :

Ce nouvel ordre logique deviendra ainsi, dans un sens, l’ordre chronologique souvent mis en œuvre dans la pratique :

Par exemple, même avec les « hospitalisations à la demande d’un tiers », l’exécution de la contrainte « précède » habituellement sa « régularisation légale » par l’écriture du « second certificat » de médecin qui est généralement rédigé dans l’hôpital, au chevet d’une personne pour laquelle un « traitement » a parfois déjà été initié, comme s’il était acquis que ce second certificat n’ait qu’à confirmer le premier, alors même que la loi l’a présenté comme un contrôle devant contrôler le bien-fondé du premier !

A la multiplication des « médecins signataires » n’a pas répondu une multiplication des « préfets signataires », puisque aussi bien, on aurait pu prévoir pour ceux-ci les mêmes « précautions » - en réalité essentiellement déstabilisantes.

 

6.    Au total

Ø      L’exécutif occupe chaque jour davantage, depuis 200 ans, une « fonction directrice », et la voix de la « psychiatrie administrative » s’en fait l’écho de plus en plus « officiellement », y participant désormais en tant « qu’inspirateur » et « initiateur » (Cf. sur ce nouvel ordre logique : in : « L’invention de la psychiatrie » : ).

 

Ø      Les nouveaux textes, ne touchent qu’aux « procédures », qu’ils multiplient démesurément, mais toutes fallacieuses, interdisant, en réalité, toute formulation précise d’un « esprit directeur ».

 

Ø      On pourrait, à partir de ces faits, schématiser la tendance structurale en disant :

 

1.      « qu’en 1838 la psychiatrie apparaît quand la justice se retire,

2.      mais qu’aujourd’hui la justice « s’incline » quand la psychiatrie apparaît. »

 

Ø      Enfin, on comprend, en tout ce que « l’article 122-1 » reproduit de « l’article 64 », combien on a « tourné en rond » à l’intérieur de ce « carré structural » de la psychiatrie :

 

 

1810 (article 64)

1838 : Création des « Asiles d’aliénés »

1992-1994 (article 122-1)

 1990 : « Hospitalisations sous contrainte »

 

 

L’article 64 du code pénal de 1810 faisait le lit de la loi de 1838.

La loi de 1838 est globalement réaffirmée en 1990.

La loi de 1990 justifie mathématiquement le retour vers « un article 64 de 1810 complémenté », qu’on a appelé « article 122-1 », car il a fallu l’estampiller du sceau des bases exécutives nouvelles, celles de la loi exécutive de 1990, sur lesquelles désormais il repose.

 

C’est donc désormais « simultanément » dans les deux registres, pénal et préfectoral, qu’il faudra abroger deux lois.

 

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III Compréhension de la systématisation ( in : « page droits de l'homme »’) lien hypertexte : ( http://jdeperson.free.fr/droits de l'homme.htm#ancresystematisation )

 

 

Aucune société n’a pu faire l’économie d’essayer de répondre aux problèmes essentiels de la vie collective : Qu’est-ce que le temps ? qu’est-ce que la vie ? qu’est-ce que la vie dans le temps ? qu’est-ce que le bien, qu’est-ce que le mal ?

Dans le christianisme, l’instance régulatrice suprême de la société humaine était le Seigneur de l’au-delà. Le système de la justice divine reposait sur les catégories « du Paradis et de l’Enfer », en assurant ainsi le contrôle de l’éternité. La justice terrestre n’était que « déléguée » par « le ciel » (Après être monté de la terre vers le ciel : Cf. « Maât » : clic).

 

Schéma 1 :

 

Ciel = Enfer et Paradis

Justice divine céleste

 

Terre = pensées et actions

Justice sociale

↓↑ Justice terrestre ( divine terrestre et humaine d’essence divine) :

Cohésion-solidarité sociale (Maât)

L’ennemi n’est pas la mort, mais la faute

 

Des lois, coutumières, écrites ou orales, déterminaient ici-bas les conduites selon le principe de la séparation du Bien et du Mal. Toute difficulté, comme toute rectification « en appel », serait traitée par le Seigneur du ciel.

Depuis la déchristianisation, la justice céleste a disparu du système de régulation officiel. La justice terrestre n’est plus déléguée, mais « autonome ». Elle repose toujours sur le principe de la séparation du bien et du mal, mais, la « topographie » de « l’ici-bas et de l’au-delà » a été remplacée par la dialectique arbitraire de la « raison et de la déraison ». L’au-delà n’a plus d’existence « rationnelle ». La catégorie dite « de la raison » n’en est pourtant pas pour autant définie.

 

Schéma 2 :

 

Ciel non reconnu

Les dieux sont assimilé à l’irrationnel =>

 

Terre =

pensées et actions

Raison =

Justice humaine terrestre autonome :

↑↓

Déraison

Justice

↓↑ Etat

 

Médecine  

↑↓

Psychiatrie

↑↓Bien

↑↓Mal

Ennemi public  =

 

Maladie

Mort

 

La vie terrestre (et/ou, peut-être un jour, aussi extra-terrestre, mais « non - surnaturelle ») subsume tout ce qui est vie dans « le rationnel », assimilé à l’absolu. En place de « la faute », «l’ennemi  public numéro un» est devenu « la maladie et la mort ». 

« Le céleste » est assimilé au domaine de l’irrationnel. Dès que la catégorie pose un problème, elle est, de ce fait, appréhendée péjorativement, et associé à la « catégorie du morbide ».

Dans ces conditions, le domaine des juges, sur terre, devient limité, au champ prédéfini « de la raison ».

Tout ce qui est « autre », assimilé au domaine de « la déraison », appelé aussi « aliénation » parce que « autre », occupant l’ancienne place de « l’au-delà », subsumant de ce fait « à la fois le Paradis et l’Enfer », s’est vu être confié à la toute récente psychiatrie, avec toutes les ambiguïtés que peut comporter la volonté de « se substituer au punir et au récompenser », ici, sans justice définie.

En psychiatrie d’abord, ailleurs dans les conceptions sociales ensuite, la catégorie dite de la « maladie mentale » a alors remplacé la catégorie de la « faute ».

Le thème de « l’incurabilité » dans l’appréhension de ladite « maladie mentale » a même, durant longtemps, volontiers repris en écho la dimension de « l’éternité » qui était celle de la « damnation ».

 

Pourtant, « L’invention du « Purgatoire », au XIII ème siècle, qui en avait tempéré la durée, en révolutionnant déjà la « conception céleste », non sans conséquences terrestres (Cf. page web 10 : 15ème note environ ), aura aussi porté quelques fruits, puisque le « Purgatoire » a introduit la notion de « récupération », volonté affirmée dans les prérogatives dite « soignantes » de la psychiatrie. A plus d’un titre d’ailleurs, l’invention de ce « Purgatoire » (inconnu de l’islam) peut être vu comme une « tête de pont » dans cette « conquête » ou « reconquête » du système céleste.

 

Ainsi, alors que le « premier système » était perçu comme un « ensemble » complet composé de deux parts, l’une « terrestre » et l’autre « céleste », ce système entier a été scindé par l’opposition de « l’humain » au «  divin ». Puis chacune des parties a été transformée :

  1. par la suppression de « l’au-delà » en tout ce qui concerne un « humain » redéfini par « la raison »,
  2. et par « l’appropriation » par et pour « l’ici-bas » de toutes les catégories du ciel.

 

On voit alors compris en raison de quelle filiation la psychiatrie n’a pas été ralliée sous l’égide protectrice commune proclamée sous le nom de « droits de l’homme » (Cf. « L’invention de la psychiatrie » ). Autrement dit, la suppression de l’au-delà a entraîné une révision de l’ici-bas :

La catégorie de l’humain d’autrefois a été scindé en deux parts :

 

  1. d’un côté le territoire « de l’humain rationnel » pourvu de « droits de l’homme »,
  2. et de l’autre celui de « l’humain irrationnel », relevant de la « psychiatrie », dépourvu de ces droits.
  3. Les droits de tout ce qui est « non-humain » ont été oubliés.

 

La poursuite de l’évolution pourrait reconsidérer la traditionnelle indépendance de la « Justice » par rapport à « l’Etat » par l’utilisation de ce  « couloir médical » dont la psychiatrie aurait déjà fait le lit.(schéma N°3)

(cf. « la caution sacrée » : clic

 

Comme l’Etat n’est pas autorisé à intervenir directement sur le cours de la justice, la position occupée par la médecine pourrait alors l’exposer à être utilisée dans une ingérence indirecte (Cf. article 122-1 du code pénal : ) :

 

Schéma 3 :

 

 

 Irrationnel  => aucuns droits   =>

 

Terre =

pensées et actions

Raison :

=>  droits de l’homme

Déraison

Justice

Etat 

Médecine

↑↓

 

Psychiatrie

 

↑↓ Bien  /  Mal

Maladie

 

 

Comme la justice est l’émanation, au-dessus de toute autre valeur, d’une conception éthique des mondes, celle qui prévaut actuellement étant celle des «  droits de l’homme »,

mais que l’état, lui, est l’émanation du politique, actuellement représenté en France par « la démocratie », une appropriation de la justice par l’état reviendrait à la mise sous tutelle des « droits de l’homme » par la « démocratie ». C’est ce même risque que la confusion des domaines occulterait.

 

N’aurait-on pas simplement recréé, d’un côté avec les « droits de l’homme », un Paradis, et, de l’autre, avec la psychiatrie, un Enfer ?

Que non ! la mécanique est plus complexe !  D’abord la psychiatrie est venue plus tard. Ensuite, en changeant de monde, les choses changent aussi de nature :

En réalité, c’est l’ensemble de la « Providence divine » qui s’est trouvée abolie par les hommes, et « l’Homme » a du désormais devoir assumer lui-même pour lui-même les anciennes attributions de justice de la Providence.

Mais ce « Dieu-Homme », nouveau, c’est quoi exactement ? Il a bien fallu tenter de le définir. Or, toute cette dialectique était celle de la raison humaine. « L’Homme-Dieu » en est venu à se définir lui-même comme « celui qui possède la raison ».

Et, en effet, nul n’aurait songé à mettre « un fou » sur un trône, ici celui de l’ancien Dieu !

Car, à peine le trône était-il vide, que « l’on » a voulu s’y installer !

La réalité est que l’ « on - homme » a dit qu’il ne voulait plus « de trône », mais c’est de « Dieu » qu’il ne voulait pas.

Car c’est sa place qu’il convoitait.

Il y a un parallélisme complet entre les rapports « du Tiers-état au roi » et ceux « de l’homme à Dieu ».

La transformation des conceptions morales, parallèlement aux transformations politiques causées en réalité par la modification d’un rapport de force, permettait de renverser la « causologie » et de présenter la caution d’une moralité acceptable pour le peuple :

 

Réalité des énoncés =>

Transfert des références morales de Dieu à l’homme =>

Modifications  morales  =>

Transformation des références morales  en faveur de l’homme

Réalité des faits =>

Transformation du rapport de force du roi au Tiers-état  =>

Modifications politiques  =>

Transfert du pouvoir en faveur du Tiers-état

 

Ainsi, tout ce qui n’était pas considéré comme « raisonnable » est resté  « oublié », non mentionné : êtres pensés comme dénués de raison, animaux, plantes, roches...

Ici, point d’Enfer, mais regrettable oubli !

L’homme « raisonnable » en arrive alors à considérer comme peu ou prou « surnuméraires », tous les appendices étrangers à l’exercice de sa raison.

Dans la pensée de nos directives modernes, le concert de la nature, en entier, est mis au service du seul «homme dit raisonnable».

On comprend comment christianisme ou islam reconnaissent d’autres ensembles : Non seulement, avec la laïcité, « la raison » est devenue une «référence » en place de « l’âme », avec un champ d’extension différent, mais, le sacré change de sens :

Curieusement alors, se conjuguent désormais  « rationalisme » et « matérialisme », comme étant, finalement, de la « même eau », celle du prétendu « quantifiable ».

 

 

 

FIN

 

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