La « traumdeutung » de Freud et les « quanta de signifiants » dans les échanges et les communications.

 

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On lit dans le chapître VII de « Die Traumdeutung » de Sigmund Freud (titre traduit en français par : « l’interprétation des rêves » (Edition 1922) : (Chapitre classé F, c’est-à-dire ajout de 1921 – 1922) :

DAS UNBEWUSSTE UND DAS BEWUSSTSEIN - DIE REALITÄT

 

Die Rückker von der Uberschätzung der Bewusstseinseigenschaft wird zur unerlässlichen Vorbedingung für jede richtige Einsicht in den Hergang des Psychischen. Das Unbewusste muss nach dem Ausdrucke von Lipps als algemeine Basis des psychischen Lebens angenommen werden.

Das Unbewusste ist der grössere Kreis, der den kleineren des Bewussten in sich einschliesst; alles Bewusste hat eine unbewusste Vorstufe, während das Unbewusste auf dieser Stufe stehenbleiben und doch den vollen Wert einer psychischen Leistung beanspruchen kann.

Das Unbewusste ist das eigentlich reale Psychische, uns nach seiner inneren Natur so unbekannt wie das Reale der Aussenwelt und uns durch die Daten des Bewusstseins ebenso unvollständig gegeben wie die Aussenwelt durch die Angaben unserer Sinnesorgange.

 

Meyerson  (PUF) traduit ce passage dans : L'INTERPRETATION DES REVES (Edition 1967) Page  521 :

Pour bien comprendre la vie psychique, il est indispensable de cesser de surestimer la conscience.

Il faut, comme l'a dit Lipps, voir dans l'inconscient le fond de toute vie psychique. L'inconscient est pareil à un grand cercle qui enfermerait le conscient comme un cercle plus petit.

Il ne peut y avoir de fait conscient sans stade antérieur inconscient, tandis que l'inconscient peut se passer de stade conscient et avoir cependant une valeur psychique.

L'inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. Sa nature intime nous est aussi inconnue que la réalité du monde extérieur, et la conscience nous renseigne sur lui d'une manière aussi incomplète que nos organes des sens sur le monde extérieur.

 

Jean-Pierre LEFEBVRE (Editions du Seuil – 2010) le traduit page 655 :

Il faut maintenant faire marche arrière et cesser de surestimer la qualité de conscience: c'est la condition préalable indispensable d'une juste intelligence du déroulement du psychique.

Il faut admettre selon l'expression de Lipps, l'inconscient comme base générale de la vie psychique.

L'inconscient est la sphère plus vaste qui renferme en soi la sphère plus petite du conscient. Tout ce qui est conscient possède un stade antérieur inconscient, tandis que l'inconscient peut en rester à ce premier stade tout en revendiquant la valeur pleine et entière d'une prestation psychique.

L'inconscient est à proprement parler le psychique réel, aussi inconnu de nous quant à sa nature intérieure que le réel du monde extérieur et tout aussi peu donné complètement à nous par les données de la conscience que le monde extérieur ne nous est donné  par les indications de nos organes des sens.

 

 

 

Recherches

en

Travaux

1.      Cercles et sphère (Cf. Johannes Kepler : image de l’homme et image de Dieu) :

Pourtant Kreis signifie cercle et non pas sphère. Le mot sphère ici, présentée comme une immersion dans notre espace familier tridimensionnel, semble introduire une notion de quelque chose de palpable, qui pourtant n’est pas présente dans le texte de Freud, qui se limite volontairement à un schéma sans réalité concrète.

 

2.      Echanges inter-humains: Le croisement des représentations.

Il reste surtout, du texte de Freud lui-même, une difficulté persistante qui découle de ces représentation des individu sous forme d’images de cercles, dont le plus extérieur, Ic, serait peut-être confondu avec un monde extérieur, mais c’est le contraire qui a toujours été exprimé par Freud, réfutant Young et « l’Inconscient collectif ».

Ainsi, s’il y a cercle, et limitations du cercle, il y a extérieur au cercle.

Dès lors, lorsqu’il y a un dialogue entre deux individus, il s’offre deux visualisations possibles :

Þ    Ou bien le Ic2 de l’interlocuteur est inclus dans le Ic1 du locuteur - et réciproquement – c’est à dire que chacun habite l’autre, sans que la chose ici ne soit dite, et cela défie l’entendement dans un texte qui est présenté comme relevant d’images simples,

Þ    Ou bien, au contraire chaque cercle est nettement séparé de l’autre, et alors, comment communiquent-ils ? Car un espace de ce fameux « monde extérieur » les sépare.

Il est difficile de penser que la difficulté ait pu échapper à Freud, mais, non seulement il ne la résout pas, mais même il ne la signale pas.

Il y a dans cette image de 1922 une aire d’ombre qui ne saurait satisfaire l’esprit.

L’apport lacanien du triptyque Symbolique, Réel, Imaginaire, introduit dès avant 1954, et du grand autre, A, en tant que porteur du langage et par là du champ d’un Symbolique sans localisation, apporte une réponse imprécise à cette question – dont les éléments d’imprécision ne sont pas non plus précisés.

Lacan semblera jusqu’en ses derniers moments préoccupé par l’appréhension des supposés intérieur et extérieur à toute chose, les retournements, la topologie, la consistance, le nœud boroméen, les tores, etc.

Ainsi la schématisation freudienne ne peut pas rendre compte de « l’interface », c’est-à-dire de  la rencontre de « Ic1 » avec « Ic2 ».

La difficulté invite à la recherche.

A mon avis le vide freudien en ce domaine est exactement de la même nature que celui de Ramon y Cajal, que je souligne dans l’article « la décussation... clic» : Ramon y Cajal n’a pas pu comprendre l’utilité du croisement des fibres nerveuses, de droite à gauche et réciproquement, parce qu’il examinait le système nerveux de chaque individu en soi, oubliant qu’aucun animal évolué ne vit sans la compagnie de ses congénères.

Passionné par l’étude des fonctions intra-psychiques en chaque homme, Freud ne chercha jamais à expliquer comment l’homme entre en relation avec son semblable.

On est pourtant bien obligé de se poser la question de comment se produit l’échange – ou son absence.

Deux modélisations nous sont proposées : Celle de la coupure avec Freud, mais on n’a aucule idée de ce que serait l’interface, et celle du partage avec C.G. Yung.

Mais dans les deux cas, si la communication respecte l’individualité, ne faudrait-il pas imaginer quelque chose qui ressemblerait à la décussation dans le système nerveux ?

Plus peut-être même, en entrant déjà dans un champ peut-être de l'inaccessible – et aussi bien participant de « l’incorporation de l'autre et du symbolique, quel serait le rapport entre "le refoulement" et le croisement des images, sinon l’image ou l'idée du croisement ?

 

3.      Dans un autre domaine, qui concerne le rapports entre la pensée rationnelle (consciente) et le monde physique (qui, plus on l'étends, plus il lui échappe)

Il me semble qu’il serait possible d’introduire d’autres concepts physiques : issus de la « physique quantique », dont le principe fondamental est « le principe de superposition d’états ».

Or « les signifiants » fonctionnent sur le modèle de « quanta », comme nous le montrent :

o       la linguistique depuis Saussure,

o       « l’analyse » des radicaux dans le champ d’une langue,

o       la « fabrication d’ensembles » à partir de « signifiants », au niveau individuel,

 

4.      Les quanta de signifiants :

Je crois que l’on peut déjà en trouver une analyse dans « Le cratyle » de Platon – qui pose la question du sens dans le langage – question que reprendra  le linguiste Emile Benveniste, mais que Lacan écartera résolument comme un artefact - et très certainement bien avant, depuis qu’on a pu se poser la question de ce que peut être ce que l'on dit, ou ce que l'on montre, etc.

Chez Saint Augustin, l’apparition du « significans » = « signifiant », déjà radicalement indépendant du « significatus » = « signifié » etc. nous engage dans la voie des « intrications » (au sens quantique)

De tels outils, permettent d’admettre et de concevoir « une infinité d’univers mentaux » en « états superposés », non pas « mélangés » aux niveaux « intra-individuels » ( par exemples dans les représentations de mondes en état éveillé et/ou  en état onirique) comme aux niveaux « inter-individuels », dans les communications complexes, faisant intervenir une grande multiplicité d’univers.

Il n’est pas nécessaire d’en définir la composition « physique » ou « psychique », mots qui n’ont aucun sens ici.

En définitive, l’indivisible du « quantum » ne serait pas du côté de « l’objet », mais du côté du « sujet de l’objet »

On pourrait comprendre la construction d’un « moi-sujet » – c’est lui qui devient  « a-tomisé », « in-dividu » - en tant « qu’observateur »  issu de la relation d’observation, « l’observé » y prenant le statut « d’objet » dans cette relation.

Ce type de relation pourrait être celui de la communication interindividuelle.

 

 

 

 

 

 

Schémas illustrant ce texte de Freud.

 

 

Voici en 3 schémas l’illustration de la conception freudienne selon ce texte de Freud,

ainsi que les théorisations traditionnelles qui en découlent,

où l’on aperçoit les limitations que nous avons soulignées 

 

 

 

 

 

Schéma 1 :

 

Principe de la communication, et des transformations de l’objet par la barrière entre la conscience et l’inconscient d’un individu : [C1 -Ic1] ou [ C2 – Ic2]  :

La barrière fonctionne comme un  filtre qui fabrique le refoulement.

Ainsi, ce qui arrive en C2 n’est plus du tout ce qui est sorti de C1 ( s’accompagne de suppression et d’ajout de données, etc.)

 Naturellement on envisagera de la même manière la réponse de 2 à 1, la relation analyste-analysant, etc.

 

(D’après Freud, avec adaptation .)

 

La question qui nous préoccupe est celle du passage de  Ic1  à  Ic2 :

Message M1

 
Ellipse: Inconscient 1

M2 est devenu M3

 

M1 est devenu M2

 
Ellipse: Conscience 2

Ellipse: Conscience 1 

Ellipse: Inconscient 2

 

 

 

_______________________

 

 

Schéma 2 :

 Exemple de dialogue analyste analysant : Ici l’analyste est le N°2 et l’analysant le N°1.

Un message M1 est envoyé par le N°1.

Ce N°1 recevra finalement la réponse R3 censée lui rapporterr a1, en le faisant passer de Ic1 à C1, après un long détour, ce qui doit mener à « sa prise de conscience ».

On observe  les nombreux obstacles successifs : Chaque passage au travers d’un « Ic » laisse une trace et prend une marque , inconscientes et donc non contrôlables.

Du fait de ces déformations, C1 voit N°2 à sa manière, comme s’il était un N°2bis, et C2 voit N°1 comme s’il était un N°1bis.

On constate par ailleurs que l’inconscient serait le « général », et la conscience la « rareté ».

 

Légende : 

   : Trace inconsciente laissée à chaque passage

 

a1   Objets inconscient :  Ici, le but de la psychanalyse est de collecter et regrouper les objets inconscients {a1 + a2 + a3 etc.} afin de les faire parvenir, par l’art et le chemin détourné de l’analyste à la conscience de l’analysant.

Dans la terminologie lacanienne, a1 est appelé « objet petit « a » du désir, non pas qu’il soit désiré, mais parcequ’il est la cause (inconsciente) du désir.

 

 

Relation directe de Ic1 à Ic2 : M1 est devenu M2, incluant maintenant a1

 

 

a1.

 
Ellipse: Inconscient 1

 

 

 

 

 
Ellipse: Inconscient 2

 

Départ de C1 d’un message M1

 
 

Réception de R2  devenu R3

 
Ellipse: Conscience 1 

 

Réponse consciente R1 à M3, incluant a1

 

 

a1.

 

 

R1 déformé par Ic2 devient R2. Relation directe de Ic2 à Ic1, incluant a1

 

 

Arrivé du message M2 déformé => M3

 
Ellipse: Conscience 2
a1

 

Légende : 

 

Trace inconsciente laissée à chaque passage

 

a1

Objets inconscient :  Ici, le but de la psychanalyse est de collecter et regrouper les objets inconscients {a1 + a2 + a3 etc.} afin de les faire parvenir, par l’art et le chemin détourné de l’analyste à la conscience de l’analysant.

 

 

Résultat recherché dans une psychanalyse

 

 

a1 en C

 

a1en Ic

 

 

.      

 

Schéma 3 : Transfert et contre transfert

 

a1.

 
La partie inconsciente qui se joint à M1 pour  former M2 se nomme « transfert » (en rouge).

Ellipse: Conscience 2

Ellipse: Conscience 1 

La partie inconsciente qui réagit à M2 pour former M3 et les réponses R1 et R2 qui en découlent se nomme « contre-transfert » (en vert).Ellipse:                                                                                                                            Inconscient 1

Ellipse: Inconscient 2

Transfert, incluant maintenant a1

 

 

a1.

 

R2 incluant a1, accompagné du contre-transfert