Christiane Desroches Noblecourt (1913-2011) Conservateur en chef du département des Antiquités égyptiennes du Louvre. Court extrait du livre de poche paru chez Albin
Michel (2003) : « Sous le regard des
dieux » : Page 255 : « Et je peux vous dire que je n'ai jamais rencontré un physicien
matérialiste ! » |
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Pour
tout l’intérêt que cela présente à mes yeux, et parce que les travaux de
Christiane Desroches Noblecourt ont largement inspiré mes recherches, tout au cours de l’écriture
de mon site–blog de psychiatrie - depuis le sens du mot « psy- », les origines du christianisme, les
sciences en tant qu’issues de la religion - etc. », je témoigne ici toute ma
reconnaissance à cette auteur, en invitant par cette brève évocation le
lecteur à se pénétrer bien plus profondément de l’ensemble de son œuvre, de
ses livres, et même de ses engagements dans diverses activités d’intérêts
patriotiques (avant la guerre, durant la guerre (résistance) et de
sauvegardes des patrimoines, etc.) « [Page198]. …
Non, les Égyptiens proposent quelque chose de beaucoup plus intéressant. Ils
ne disent pas explicitement où vont les défunts, ils laissent simplement
entendre qu'ils vont quelque part, et ceci depuis la plus haute antiquité.
Une fois mort, est-ce que vous serez ici, là-bas, ici et là-bas à la fois?
Tous ceux qui ont abordé la mort une fois dans leur vie ne peuvent faire
autrement que de se poser ces questions. La mort était-elle pour les Égyptiens une autre forme de vie? Pourquoi
pas? Cela dépend de ce que vous appelez la vie, l'existence. Je ne sais pas.
Non, la mort est un moyen de passer du côté du divin. Mais qu'est- ce que le
divin? A la mort, vous rejoignez le Grand Tout, lit-on dans les textes. Le
divin, c'est ce Grand Tout. Enfin, je vous confronte en quelques heures à des
questions qui me préoccupent depuis plus de soixante- cinq ans, presque
soixante-dix... J'ai
mis en effet des années, comme beaucoup d'entre nous, à essayer de comprendre
ce que les Égyptiens avaient imaginé à propos de la mort, considérée comme
un passage, mais un passage vers quoi? Nos maîtres très sages se gardaient
bien de se prononcer. J'ai moi aussi essayé d'aborder un peu la question,
comme certains de mes confrères. ----- CHAPITRE 21. La perche et le chromis du Nil.
Le mort pêchant son «âme
». L'« âme» d'hier et celle de demain. L'origine de Ichthus : lesus Christos
Theo Uios Sôter. La science alchimique des Égyptiens. A quoi servaient les
shaouabti. Comment les morts travaillent à la renaissance de l'Égypte. - Lorsque l'Égyptien meurt, avez-vous dit, il
retourne symboliquement dans le liquide amniotique de la mère, c'est-à-dire
se retrouve dans les eaux primordiales, sous la forme d'un petit poisson. Quelle
belle image... -
En effet ! Nous avons identifié plusieurs espèces de poissons dans les
peintures murales : le Lates niloticus, la grande perche du Nil, ainsi
que la Tilapia nilotica, le boulti ou chromis, qui
devient le poisson inet sous le pinceau des Égyptiens. Le boulti
a des nageoires aux reflets un peu rouges. C'était un poisson porte-bonheur,
ce qui n'est pas le cas de tous les poissons pêchés dans le fleuve sacré. L'inet
est l'image du mort retombé dans les eaux primordiales dont il est issu, et
dont il doit ressortir pour se projeter dans l'éternité. [Page 200] En étudiant attentivement les scènes de pêche au filet, on trouve toujours
un poisson inet parmi les poissons pêchés. Je suis persuadée que le
défunt commence sa préparation à la vie éternelle en replongeant mystiquement
dans l'eau, mais il aspire à renaître et il doit donc repêcher son « âme ».
Tout cela coïncide assez bien avec ce que nous savons des origines de la vie
sur la Terre. - Pourquoi deux poissons? En
travaillant sur la symbolique égyptienne, j'ai rencontré deux formes
distinctes qui occupaient une place importante dans les rites funéraires.
C'est dans une tombe de Deir el-Médineh que j'ai remarqué sur le décor
mural un grand poisson représenté momifié, sur un lit funéraire qui évoquait
le défunt, encadré par les deux déesses qui accompagnent Osiris. Il ne
pouvait s'agir d'une plaisanterie dans un tel contexte. Les Égyptiens avaient
voulu représenter le trépassé sous la forme d'un poisson. Or il ne s'agissait
pas du boulti ou inet, que nous connaissions déjà, mais d'une
espèce dont les représentants sont beaucoup plus volumineux. J'ai donc fait
un peu de zoologie et j'ai identifié le Lates niloticus, cette perche
que l'on trouve dans le Nil et qui peut avoir la taille d'un homme. Ainsi
ai-je compris que ces deux poissons différents symbolisaient deux aspects du
mort en cours de transformation. On les retrouve d'ailleurs pendant près de
trois mille ans, de l'Ancien Empire aux temples ptolémaïques. Parfois le
défunt attrape le petit poisson inet au bout de sa pique - le boulti
représente son « âme» qui s'apprête à renaître - , mais parfois c'est la
perche du Nil, [Page 201] un avatar de sa momie, qu'il repêche (cf.
p1anche XVIII).
Qu'est-
ce que cela signifie? Probablement que le défunt possède deux « âmes »,
celle d'hier et celle de demain, le corps ancien et le foetus solaire (cf. p1anche VII)).
La
différence entre le boulti et le Lates niloticus se précise
progressivement au cours de l'Ancien Empire. Au
Nouvel Empire, le Lates niloticus s'allonge démesurément, jusqu'à
évoquer la momie de manière irrésistible. Quant
au boulti, le poisson solaire, il devient de plus en plus rond et
dodu. Le
premier symbolise le défunt qui vient de mourir, le défunt momifié; le second
évoque sa future renaissance. Lorsque
le défunt repêche ses deux « âmes », il est figuré devant le souvenir de ce
qu'il fut et il s'embarque pour l'éternité. C'est aussi pour cette raison que
les Égyptiens momifient le corps, afin que l'on en conserve sa trace. - Le milieu aquatique symbolise le lieu de la
transformation? Exactement.
Le défunt est assimilé à Osiris qui devient le soleil. Toutes ces découvertes
à propos des scènes de pêche funéraire m'ont inspiré un article que j'ai
intitulé « Poissons tabous et transformations du mort ». C'était
l'époque où mes équipes en Nubie travaillaient à étudier le temple
Kalabsha, au sud d'Assouan, avant que l'on soit assuré de la sauvegarde
des monuments de Nubie. Je devais m'y rendre, notamment pour compléter leur
documentation archéologique. J'étais accompagnée de plusieurs de mes
collègues, dont François Daumas. J'avais complété la mission de deux photogram-mètres
qui utilisaient des appareils de photographie stéréoscopique qui servent à [p.202] transcrire le relief en « courbes de
niveaux» afin d'obtenir le volume des représentations. Nous
étions à la fin mois d'août, il faisait 58° à l'ombre, et les vipères noires
sortaient de leurs cachettes. Elles faisaient des bonds dans les sables. On
trouvait partout les empreintes de leurs petits corps; on aurait dit des
traces laissées par d'énormes limaces mais leur morsure était mortelle.
J'avais demandé aux Égyptiens qu'un médecin soit attaché à la mission. On
nous avait donc envoyé sur place un brave homme inefficace et qui ne
disposait pas du moindre sérum dans sa trousse. Comme notre bon docteur ne
savait pas quoi faire, il passait son temps à pêcher de petits boulti dans le
puits de Kalabsha. Un
jour, je passais par là avec deux Nubiens, qui lui ont lancé: «Arrête de
pêcher nos ancêtres ! » On aurait cru entendre parler les Égyptiens de
l'Antiquité! Rien
n'avait changé depuis des millénaires... Ils étaient furieux et l'ont menacé
de le jeter dans le puits. Alors le gros docteur s'est abstenu de pêcher des boulti,
à son grand regret, car ils étaient délicieux. _ Pouvez-vous revenir sur le lien entre ces
deux poissons et la symbolique du poisson dans le christianisme des origines? Les
deux poissons égyptiens sont parfois montrés au moment où ils sont pêchés,
suspendus à un fil. Cette image n'existe nulle part ailleurs qu'en Égypte,
sauf précisément dans le zodiaque de certaines églises romanes comme j'ai pu
le constater à Vézelay. On
devine aisément qu'elle symbolise alors la résurrection des morts. - [p. 203] Pensez-vous que les premiers chrétiens d'Égypte
aient eu connaissance de cette ancienne tradition ? Sans
aucun doute. On a trouvé dans les premiers monastères, au Ouadi Natroun
et dans les Kellia, au sud d'Alexandrie, cette figure du poisson boulti
traversé par une croix, avec cette inscription : « Je suis la vie, je
suis l'espoir, je suis la résurrection » On peut voir au Louvre l'une de
ces images, trouvées dans une chapelle des Kellia par l'équipe de François
Daumas. C'est bien là, nous en avons la certitude, l'origine du
monogramme ichthus, emblème des premiers chrétiens d'Égypte, autrement
dit : « Jésus Christos Theo Uios Sôter » «Jésus-Christ,
Fils de Dieu Sauveur ». [petites erreurs graphiques : en fait
c'est « Ièsous Christos o Theou Uios Sôter » dont les initiales donnent bien
« ICHTUS » ,(= Poisson) , inscriptions trouvées dans les catacombes
refuges des chrétiens persécutés] - Pensez-vous que la formule soit égyptienne,
elle aussi? Certainement.
Le poisson inet est devenu ichthus, le symbole ésotérique des
premiers chrétiens. Les
preuves sont là, qui établissent cette filiation. C'est
ainsi que notre compréhension de la symbolique funéraire égyptienne nous
permet aujourd'hui d'éclairer le premier christianisme. Si nous pouvons
affirmer que les scènes agricoles représentées sur les murs des chapelles
funéraires ont une signification symbolique, c'est que, pour les Égyptiens,
tout ce qui est mort participe d'un travail obscur, sans lequel « l’âme » des
défunts ne pourrait revenir à la vie. C'est dans l'humus que se fait la germination
des plantes futures. Les travaux agricoles symbolisent ce travail souterrain,
invisible, qui s'enclenche chaque année après l'arrivée de l'inondation. Les
morts participent donc de ce cycle, ils enrichissent l'Égypte de leur
maturation secrète. [Page 204] L'eau de l'inondation qui revient est
chargée des « âmes » à renaître. Une formule le dit très bien : « ses pères,
qui sont dans l'inondation ». On
ne peut pas ne pas évoquer, à ce sujet, la grande question de la
transformation, c'est-à- dire de l'alchimie. D'ailleurs, l'origine du mot « alchimie
» serait égyptienne. Al Kemit signifie « la Terre
noire » , autrement dit l'Égypte.
Je
pense plutôt que, lorsque les Grecs sont arrivés en Égypte, ils ont été émerveillés,
parmi tant de splendeurs, par la science des pigments, l'art de la céramique,
la technique permettant de reconstituer de l'électrum (provenant du pays
de Pount), fait d'un alliage d'or, de cuivre et d'argent, qui donnait un
or fin et pâle, et qu'ils ont analysé pour le fabriquer. En
fait, ils ont découvert de véritables usines chimiques. Ils ont appelé cette
science « l'égyptienne », qui se dit kemi en égyptien, et
les Arabes en ont fait al-kemi, alchimie. - bFinalement, le défunt n'a pas tellement le
temps de se reposer... Ah
non, il faut travailler afin de demeurer pour l'éternité au sein-du cycle qui
anime le Grand Tout. - Qu'est-ce que le Grand Tout? Les
Égyptiens imaginaient une force universelle qui se manifestait en particulier
dans l'inondation. L'image du défunt se retrouve aussi dans les statuettes
dites shaouabti qui évoquent encore le mort. On les trouve à partir du
Moyen Empire, entre 2000 et 1800 avant notre ère. A cette époque, elles sont
souvent assez sommaires, parfois à peine ébauchées. [p205] On les
a appelées shaouabti à cause du bois de shaouab dans lequel
elles étaient alors sculptées. Le nom s'est ensuite transformé pour devenir oushebti. - Pourquoi? À
partir du Nouvel Empire, vers 1600 avant notre ère, on relève sur ces
statuettes des inscriptions (chapitre 6 du Livre des Morts (« de la sortie au jour ») commençant
toujours par : « O toi ! Quand l'on te demandera de faire les travaux
agricoles, de transporter le sable d'est en ouest, de faire ceci, de faire
cela, tu répondras : Me voici! » Les shaouabti sont donc devenus
les oushebti (« ceux qui répondent »), de ousheb, qui signifie
« répondre ». Dans
la mesure où toutes les tombes ont été pillées, nous ne savons pas combien de
statuettes étaient déposées auprès du défunt, mais on peut être assuré que
ceux qui pouvaient en faire l'acquisition possédaient trois cent
soixante-cinq petites effigies (une par jour), auxquelles s'ajoutaient
trente-six statuettes supplémentaires appelées fautivement par les
égyptologues des « contremaîtres ». Certains collègues croient encore
qu'il s'agit de domestiques que le mort emportait avec lui dans l'au-delà
pour accomplir ses tâches aux Champs Élysées ! Et ces domestiques-momies sont
censés être accompagnés de « contremaîtres », vêtus d'une robe plissée
et portant des sandales. Ces explications enfantines ne circuleraient plus
si l'on faisait l'effort de se représenter le monde selon la logique des
Égyptiens eux-mêmes. On oublie de noter, par exemple, que les
prétendus « contremaîtres » arboraient souvent le symbole de
« l'oiseau- âme » sur la poitrine, [Page
206] maintenu dans leurs bras
croisés, et qu'ils étaient vêtus de leur costume d'apparat pour leur « sortie
au jour * », vers l'illumination, au
cours des trente-six décans de l'année. * C’est le véritable nom du livre que l’on a appelé à tort
« Le livre des morts » - Que retenir de ces représentations,
finalement? Représentés
en momie, les shaouabti sont l'image lointaine du défunt en tant
qu'Osiris qui flotte dans l'eau. L'inscription figurant sur la statuette
précise que le défunt doit effectuer les travaux des champs. Pour que ce soit
bien clair, il emporte avec lui sa houe pour bêcher et le sac de grains peint
sur son dos. Mais
que va-t-il faire? Va-t-il fumer son narguilé pendant que ses domestiques et
ses contremaîtres font le travail spirituel à sa place? Tout cela est
invraisemblable. Ce travail, assigné au mort, désigne certainement, d'une
manière symbolique, l'énergie du mutant, la lente transmutation du cadavre en
humus, cet humus venu d'Éthiopie, la « Terre du Dieu », apporté au Nil
par son affluent, l'Atbara, et qui faisait la richesse de l'Egypte. Les
trépassés travaillent à la renaissance de l'Égypte. Ce
travail, cependant, est interrompu par une apparition cosmique, symbolisée
non par un « contremaître » habillé de blanc, mais par le mort lui-même
tenant son Ba, son « oiseau-âme », entre ses mains. Ce
que je vous dis là est confirmé par une représentation dans la chapelle
osirienne du temple jubilaire de Ramsès III à Médinet Habou : C'est
bien le roi en personne qui pousse sa charrue, coupe le blé avec sa faucille
et fait une offrande à l'inondation (chapitre 110 du Livre des Morts).
C'est grâce à ces images que j'ai enfin compris la fonction des shaouabti.
En
égyptologie, il ne faut [p 207] jamais
croire qu'on a compris aussi facilement, et surtout, il faut savoir laisser
parler les vieilles pierres. Voilà
sans doute pourquoi, dans la Vallée des Rois, certaines inscriptions traitent
Osiris de « pourri ». Tout cela se tient parfaitement. Osiris est
« pourri » parce qu'il est en pleine germination. C'est une
cosmogonie extraordinaire. Maintenant
j'aimerais me tourner vers Isabelle Franco
et lui poser à mon tour une question. Isabelle, n'y a-t-il pas lieu de parler
à présent d'Anubis et, sur ce sujet, je crois que nous partageons des
commentaires assez proches... ________ - Isabelle Franco : Anubis est représenté par un chien aux oreilles pointues. On
pense qu'il serait le prototype d’Horus. C'est lui qui préside à la
transformation de la pourriture en un être renaissant. Il sert de
catalyseur : La momie en décomposition va devenir un soleil. Osiris
pourrissant est aussi une graine porteuse de vie. C'est là que réside le
mystère ultime, ce dont les Égyptiens ne parlent jamais. C'est le fameux
sheta et c'est le point extrême de la Douat, le monde invisible où se déplace
et se transforme l'astre nocturne avant de renaître. Le sheta, c'est le
mystère, mais pas [p208] au sens chrétien.
C'est la constatation essentielle que la vie renaît
perpétuellement d'elle-même en un processus que l'on ne peut ni décrire ni
expliquer. C'est le cœur du mythe d 'Osiris qui évoque en même temps
l’œuf et la coquille, l'être renaissant et l'être pourrissant. L'enfant auquel il donne le jour n'est rien d'autre que la
prolongation de lui-même, le réceptacle de son principe vital ; c'est ainsi
que dans la pensée égyptienne le fils justifie et permet symboliquement
l'existence de son géniteur. De
ce fait, Horus donne la vie à Osiris, comme Shou (ainsi que sa sœur
Tefnout) donne la vie à Atoum, et ainsi de suite. En somme, l'enfant donne la
vie à son père. Mon père disait que les enfants font toujours plus ou moins
évoluer leurs parents. Le fils justifie l'existence du père... Mais nous reviendrons à Anubis, un peu plus loin. ________ Chapitre 25. «
Êtes-vous égyptienne ou française?» Les « dieux » sont les
manifestations du Grand Tout, et les prêtres des savants qui étudient ces
manifestations. La tradition osirienne. Qu'est-ce qu'un initié?
« Le dieu sonde le cœur et les reins. » La pile Osiris de Saclay.
Des bibliothèques qui brûlent. - La fréquentation de l'ancienne Égypte
a-t-elle exercé une influence sur votre philosophie de la vie? Je
vous répondrai en évoquant un voyage organisé pour inciter à la découverte de
la « nouvelle Nubie » après la mise en eau du lac Nasser en 1964. C'était
une croisière culturelle organisée par la société Clio. Huit ou dix jours de
voyage, ponctués chaque soir par une conférence de deux heures et demie que
je donnais sur la Nubie, la vie des anciens Nubiens, les temples de Nubie, la
sauvegarde, l'histoire du Nil, l'inondation (cf planche VII)...
[p. 245] Nous
étions partis de Louqsor en direction d'Assouan et d'Abou Simbel. Le matin, nous
nous rendions sur les sites et je faisais la présentation d'un temple qui
avait été déplacé et remonté. L'après-midi était consacré à une initiation à
l'égyptologie, conduite par trois jeunes femmes remarquables recrutées par
Clio, toutes trois docteurs en archéologie. Tout cela était parfaitement
préparé. Les visites du matin, les « travaux pratiques » et ma
conférence étaient synchronisés. A
la fin de ce séjour, un vieux monsieur - je crois qu'il était conseiller
d'État - a fait un gentil petit laïus pour me remercier de tout le mal que je
m'étais donné. Puis, avant de conclure, il m'a demandé : « Je me permets
de vous poser une question, madame. Qui êtes- vous? Etes-vous égyptienne ou
française? Etes-vous une femme du xxe siècle ou une princesse de la XVIIIe
dynastie ? » Il croyait dur comme fer que j'étais une réincarnation.
J'ai répondu « Je vous préviens tout de suite. Je ne suis pas une
réincarnation ! » Il voyait que j'étais non pas possédée, mais
pénétrée par l'Égypte. - Vous avez eu, comme vous nous l'avez confié,
des maîtres remarquables qui vous ont donné accès à ce monde fascinant mais
par ailleurs tellement hermétique. À
ce propos, je voudrais dire ma dette à l'égard du très grand égyptologue
russe qu'était Alexandre Piankoff. Il s'est penché sur les tombes de
la Vallée des Rois, sur les grandes chapelles dorées de Toutankhamon et sur
les textes funéraires. En son temps, son apport a été considérable. Piankoff
avait étudié l'hébreu et le persan avant de devenir égyptologue. C'était
un jeune Russe blanc, qui s'était trouvé hors de son pays au moment de la
révolution. [p.246] Il avait dix-sept ans lorsqu'il s'est
engagé en Ukraine dans l'armée Wrangel. Il attrapa alors une dysenterie dont
il ne s'est jamais remis, et dont il a fini par mourir. Démobilisé,
sans plus aucune famille, il s'est rendu en Allemagne, pour suivre les cours
de deux maîtres, Adolf Erman et Kurt Sethe. Là, il a pu faire
de l'ancien égyptien, du néo-égyptien et du moyen égyptien, de l'hébreu et du
persan. Ensuite, ainsi que beaucoup de Russes blancs, il est venu à Paris.
Comme il connaissait aussi le copte, sans parler du latin, du grec et de
l'araméen, il a trouvé du travail à l'Institut byzantin de Paris, ce qui l'a
sauvé. Il
s'est intéressé à l'archéologie byzantine, et l'abbé Drioton l'a même
soutenu financièrement (je vous rappelle qu'avant la dernière guerre, il n'y
avait pas de budget propre pour l'égyptologie au CNRS). Quand j'ai rencontré Piankoff,
il travaillait dans les tombes de la Vallée des Rois. Dès septembre 1939,
alors qu'il venait d'obtenir la nationalité française, il s'est engagé dans
l'armée, sans doute par reconnaissance pour sa nouvelle patrie. Il avait déjà
quarante-cinq ans et avait insisté pour être incorporé. Envoyé en première
ligne, il a perdu un oeil. - Quel désastre pour quelqu'un qui travaillait
comme lui sur les textes ! Une
calamité ! Quand il est rentré à Paris, il est venu me voir, et j'ai essayé
de le sortir de l'impasse. Je l'ai fait envoyer en Égypte par le CNRS, et,
par la suite il a été nommé pensionnaire de l'École du Caire. Il le méritait
amplement. [p.247] Puis
il a travaillé avec des mécènes américains
grâce à qui il a publié ses travaux sur les tombes de la Vallée des Rois. Quand
les Américains ont cessé de subventionner ses missions, je l'ai fait
réintroduire au CNRS où il est resté jusqu'à sa mort. Piankoff a été
en butte au snobisme de beaucoup d'égyptologues à cause de ses origines
étrangères. C'est pourquoi je tiens à rappeler qu'il a été infiniment plus
patriote que beaucoup d'autres pendant la guerre. C'était
un homme remarquable, large d'esprit, cultivé jusqu'au bout des ongles,
connaissant tout, un vieux sage. Epatant. On sent toutes ces qualités dans le
style de ses articles. Il fut considéré comme un maître par beaucoup
d'égyptologues français et étrangers versés dans l'étude de la religion, tel Homung,
mais personne ne l'a encore dépassé. Nous avions de longues conversations, il
voulait me persuader d'aller travailler dans les tombes des rois mais, avec
mes responsabilités au Louvre, je ne pouvais me spécialiser dans la religion
funéraire royale. J'avais d'autres centres d'intérêt. De nos conversations
surgissait toujours un enrichissement certain qu'il aurait fallu approfondir.
C'est le rôle qui revient maintenant à Isabelle Franco. - Vous n'avez jamais regretté d'avoir oeuvré
dans ce sens? Pas
vraiment. J'aime bien toutes les expressions de la pensée. - [p. 248] Au fond,
ce qui vous passionne, ce qui vous intrigue, c'est la façon dont la
civilisation égyptienne a élaboré son sentiment du divin. Selon
moi, il ne s'agit pas de dieux, mais de manifestations divines. Il existe
une incommensurable Volonté qui envoie une pluie de forces dans toutes les
directions. Ce sont ces forces que les Égyptiens ont appelées des dieux, en
leur donnant des noms et des formes. Vous me direz que je n'ai pas vécu avec
les Égyptiens et que je peux me tromper, mais je ne parle pas de la religion
populaire, des croyances des gens du commun qui n'allaient jamais dans les
temples et qui savaient seulement qu'Amon avait des plumes sur la tête, Thot
un bec d'ibis, et que le scarabée poussant une boule symbolisait le soleil
levant. Pour ceux-là oui, sans doute, les « dieux » existaient, mais
je pense à ceux qui avaient une compréhension plus large, plus profonde, les
savants, les prêtres, les sages. Je
vous l'ai déjà dit, mais c'est vraiment une notion qu'il faut avoir présente
à l'esprit dès qu'il s'agit de la religion égyptienne les prêtres étaient
avant tout des savants. Les temples et les « maisons de vie » où
ils travaillaient étaient l'équivalent de nos laboratoires. Il y avait là des
scribes, des physiciens, des astronomes, des mathématiciens, des géomètres,
des chimistes, des médecins qui cherchaient à comprendre les manifestations
de la divinité. J'irai plus loin, et je vous avouerai que, de mon point de
vue, les Égyptiens n'avaient pas de religion, du moins au sens où nous
l'entendons. [p.
249] Mais
vous êtes l'auteur d'une histoire des religions égyptiennes... Vous
avez raison : Si c'était à refaire, je donnerais un autre titre à cette
étude. Je n'avais que trente-quatre ans quand elle a été publiée et c'était
un de mes camarades qui avait insisté pour que je choisisse ce titre. Je me
suis laissé influencer et je le regrette. Car, j'y insiste, ce que nous
appelons la religion égyptienne n'est pas une religion. - Que considérez-vous alors comme une religion? On
pourrait penser qu'une religion est un phénomène issu de la pensée des sages
et des mystiques à la fois qui sont reliés entre eux par une croyance
commune. La
seule religion qui existe, en Égypte, c'est la religion funéraire accessible
à tous, la tradition osirienne, car elle pesait sur la ligne de conduite de
chacun sur terre. C'est un credo éthique auquel les Égyptiens, dans leur
ensemble, sont restés fidèles. Toute la mythologie concernant Isis et Osiris
est au service de cette éthique qui est progressivement devenue, à la fin, la
religion officielle, une religion de la morale, du pardon, de la tolérance et
de la charité. C'est pour le peuple que les prêtres ont créé les fêtes. En
dehors des grandes panégyries du jour de l'An, il y avait la fête des morts,
celle des moissons, et les festivités particulières à chaque saison et à
chaque région. Le
rituel consistait à sortir du temple une statue représentant la divinité et à
la véhiculer sur les épaules des prêtres dans une barque. [p. 250] C'est
sans doute un vaisseau analogue qui est encore utilisé dans les processions
de la Vierge en Bretagne ou en Pologne. Il y avait sur le parcours de
l'embarcation des stations où le peuple pouvait contempler, une fois écartés
les rideaux, la statue qu'ils voilaient, le réceptacle matériel de la force
divine. A mon sens, nous ne devons pas considérer la statue du dieu comme une
idole. Les Égyptiens savaient très bien que la statue n'était pas le dieu
lui-même. Il ne s'agissait que de l'évocation matérielle du dieu, réanimée
par les rayons du soleil. Vous semblez persuadée que les prêtres n'y
croyaient pas... Je
suis tout aussi certaine qu'ils ne croyaient pas non plus à leurs oracles. Au
début de la XVIIIe dynastie, les pharaons sont désignés ou confirmés par
l'oracle du dieu; cela signifie que les prêtres, investis du pouvoir de
choisir le roi, pouvaient aisément incliner d'un côté ou de l'autre la statue
du dieu dans sa barque. Tout était entièrement arrangé. La réputation de ces
oracles était si répandue qu'Alexandre, quand il est arrivé en Égypte, a
exigé de rencontrer l'oracle d'Ammon de Siouah en Libye afin de se
faire sacrer pharaon - il s'agit bien d'Ammon, avec deux « m » dont
dérive l'orthographe de l'ammonite, ces nombreux coquillages fossiles découverts
dans cette région et dont la forme rappelle celle des cornes du bélier
d'Ammon. La
question que nous nous posons concerne plutôt la manière dont les
connaissances scientifiques des Égyptiens, et notamment leurs connaissances
en matière de physique, étaient utilisées pour impressionner le peuple. [p. 251] Vous
devez savoir que toute pratique magique peut devenir, mille ans plus tard,
une vérité scientifique ! Il ne s'agissait pas d'une magie noire, destinée à
nuire, mais d'une aptitude à maîtriser un tant soit peu les grandes forces de
l'univers. - Pourquoi Alexandre est-il allé en Libye? À
cause de cet oracle d'Ammon qui avait une grande réputation. L'Égypte avait
conquis des territoires sur la Libye, et l'oasis de Siouah, à la
latitude du Delta, se trouvait en terre égyptienne à cette époque. Comme
personne ne parle de cet oracle de Siouah à l'époque pharaonique, je
suppose qu'il date de l'époque saïte. Dans
l'ensemble, diriez-vous que les prêtres étaient des sages ou des
prestidigitateurs ? C'était
une communauté de sages parmi lesquels s'étaient probablement infiltrées
quelques crapules. Serge Sauneron s'est même amusé à montrer comment
certains d'entre eux avaient été personnellement impliqués dans des
scandales. Quelques prêtres ont pu être troublés devant les quantités d'or
que les pharaons rapportaient de leurs conquêtes. C'est contre ces habitudes
qu'Aménophis IV aurait pu réagir, non pas tant contre les prêtres
d'Hermopolis ou de Memphis, que contre les prêtres d'Ammon. Bien sûr, ils
oeuvraient à la gloire du dieu, mais en même temps ils amassaient un trésor
qui faisait d'eux de véritables banquiers. - [p. 252] Les
prêtres d'Amon étaient-ils nombreux? Il
y avait de nombreux prêtres dans le domaine d'Amon, sans compter un nombre
impressionnant de serviteurs. Ils possédaient des propriétés partout, et jusqu'en
Nubie. - Vous semblez opposer la « sagesse » populaire
à celle des prêtres. On
trouve, à partir de la XIX ème dynastie, des textes laissés par les ouvriers
de la corporation royale dans les tombes de Deir el-Médineh :
Réflexions sur la morale, sur le cycle de la vie et de la mort, sur la divinité.
-
Soit, souvent, ils s'offrent les services d'un scribe pour écrire à leur
place - plus tard, les pèlerins grecs allaient eux aussi payer un scribe pour
transcrire des hiéroglyphes en grec – -
Soit ils écrivent eux-mêmes. Peu
à peu, on voit leur niveau d'instruction s'améliorer. En fait, lorsque les
prêtres égyptiens se sont décidés à inscrire quelques fragments de leur
science sur les murs des temples, c'est à la Basse Époque, au moment où ils
sentent que ce savoir risque de se perdre. Ceux-ci,
je vous l'ai dit, étaient avant tout des chercheurs, au sens moderne du
terme, et tout ce qui avait lieu dans les temples, y compris la sortie du
dieu hors du sanctuaire - indispensable pour souder la communauté -
participait en réalité de cette démarche scientifique. La fonction du rituel
est de s'assurer l'adhésion du peuple en satisfaisant son besoin de croire,
mais c'est aussi de déclencher certaines forces et de parvenir à l'union avec
le divin, souvent grâce aux danses extatiques à la manière des soufis de
l'islam mystique qui pratiquent le sikhr. - [|p. 253] Comment
pouvons-nous être sûrs que nous n'interprétons pas encore une fois la pratique
religieuse des anciens avec nos concepts modernes ? Je
ne fais que décrire les faits. Ces temples étaient des maisons de la science.
Une grande énergie s'y manifestait et leurs emplacements n'étaient pas choisis
au hasard. Le même phénomène se retrouve par exemple à Vézelay. Il
suffit d'y aller pour se sentir ému par la puissance du lieu. Les hauts lieux
existent, ils ne sont pas une fantasmagorie, et le choix de l'emplacement
d'un temple résulte d'une véritable connaissance scientifique. Qu'est-ce
qu'un initié, finalement, sinon un homme qui possède un savoir ? L'homme
qui a eu le triste privilège de concevoir la bombe atomique était un initié.
Pasteur était un initié. Quand il s'agit de l'Égypte, on se gargarise en
parlant de magie, on détourne le sens premier de termes comme ésotérisme,
occultisme ou initiatique, on entoure ces pratiques d'un voile de mystère,
alors qu'il suffit de regarder : Les prêtres égyptiens ont laissé par
leurs constructions la démonstration évidente de formules scientifiques qui
nous font pressentir ce qu'ils ont pu comprendre. Un
jour, au début des années 70, à la fondation Gulbenkian de Lisbonne,
je suis tombée en arrêt devant une stèle représentant Aménophis III et son épouse,
portant figuré au-dessous un bonhomme en prière, et cette inscription qui
évoquait une phrase bien connue et que je cite de mémoire : [p. 254]
« Ce que je dis est vrai, il n'y a pas de mensonge, car le dieu sonde
les cœurs et les reins » Vous connaissez cette formule, bien sûr. On
la trouve dans le Livre des Morts égyptien, mais aussi dans l'Apocalypse
de Jean. J'ai toujours gardé ces mots à l'esprit, notamment quand j'ai dû
m'occuper de la momie de Ramsès, sans grand plaisir, car je n'aime pas spécialement
les momies. Vous
savez peut-être que les embaumeurs éviscéraient totalement le cadavre. On
ôtait même le cerveau à l'aide de crochets passés dans les narines. Une fois
que tout ce travail était fait, pour préparer le défunt au jugement d'Osiris,
on remettait en place le cœur et les reins. C'est
intéressant, vous ne trouvez pas ? Pour les Égyptiens, le cœur était le siège
de la conscience, le moteur de l'individu. Ils avaient compris beaucoup de
choses en ouvrant les corps, et nous connaissons un papyrus médical où
l'auteur explique, entre autres, le cheminement du sang dans les vaisseaux. - D'après nos livres d'histoire, la circulation du sang n'a
été découverte qu'au XVII ème siècle par Harvey. Les
Égyptiens connaissaient le rôle des ventricules, des veines et des artères.
Nous disposons même du témoignage d'un médecin qui s'appelait Amenemhat
et qui avait utilisé une Les Égyptiens
connaissaient le rôle des ventricules, des veines et des artères. Nous
disposons même du témoignage d'un médecin qui s'appelait Amenemhat et qui
avait utilisé une clepsydre afin de prendre le pouls du roi (XVIII ème
dynastie). - [p. 255]
Pensez-vous que notre fascination pour l'Égypte viendrait finalement
de cette aptitude des anciens Égyptiens à expliquer les mystères avec un
esprit scientifique ? Oui,
avec cette réserve que leurs raisons ne sont pas matérialistes. Nos savants
nous le disent tous les jours : plus ils avancent, plus les explications se multiplient,
et plus le mystère grandit, dans l'infiniment grand comme dans l'infiniment
petit. - Ainsi le progrès du savoir irait de pair avec le progrès de
l'ignorance... Mais
notre ignorance est totale! C'est pourquoi un scientifique adonné à la recherche
ne peut être que modeste, sans quoi il scierait la branche sur laquelle il
est assis. Mon frère était ingénieur de la marine et a consacré une partie de
sa vie à la recherche, mon mari était membre du Commissariat à l'énergie
atomique, et j'ai fréquenté des scientifiques toute ma vie. J'ai bien connu
le professeur Debiesse, physicien et directeur du centre nucléaire de
Saclay. Je l'avais rencontré au bureau de la mission laïque, créée par Édouard
Herriot, qui regroupait les lycées français en Orient et en
Extrême-Orient, et dont j'ai été vice-présidente pendant des années. Debiesse
s'intéressait beaucoup à l'égyptologie et j'ai été souvent invitée aux
déjeuners qu'il organisait à Saclay. C'est ainsi que, vers 1958, je suis
devenue la marraine de la pile Osiris à Saclay. Je garde un vif souvenir de
ces déjeuners avec de nombreux savants du xx e siècle. Et je peux vous dire
que je n'ai jamais rencontré un physicien matérialiste ! - [p. 256] D'après
Einstein, ce qui est incompréhensible, c'est que l'univers soit
compréhensible. Il pensait
qu'il existait une certaine congruence entre
l'esprit humain et la structure de l'univers. Cela
ne fait aucun doute. - Pourtant, vous n 'avez jamais été tentée par le mysticisme. L'excès
de mysticisme n'éclaircit pas notre rapport au monde, au contraire, il
trouble notre perception et notre pensée. Dans
un état de transe, vous perdez tout contact avec cette réalité que la raison
appréhende, et dont elle fait son objet d'étude. Malheureusement,
nous en sommes réduits aux conjectures en ce qui concerne la profonde pensée
religieuse des Égyptiens. Il ne nous reste que des textes épars. Pourtant,
il devait exister de véritables bibliothèques de papyrus dans les temples.
Elles ont presque entièrement disparu dans les décombres des villes anciennes
dont les vestiges se superposent. Si les ruines de la cité de Troie ont sept
niveaux, celles d'Edfou en ont vingt-cinq ! Gustave Lefebvre
m'a raconté cette anecdote vécue par Gaston Maspero. Un jour, ce dernier
arriva aux environs d'Hermopolis, la ville de Thot, et fut intrigué par une
énorme fumée qui montait au-dessus des terrasses. Les paysans étaient en
train de fabriquer de l'engrais - lui a-t-on expliqué - en mettant le feu à
un mélange de paille, de canne à sucre, de cette matière azotée qu'on appelle
sebakh et de tous les déchets que l'on trouvait dans les ruines. [p. 257] Les cendres ainsi obtenues servaient à
fertiliser les champs : Ils étaient en train de brûler des papyrus antiques!
Le pauvre Maspero est arrivé trop tard pour arrêter le massacre. Il
a dû y en avoir beaucoup, des feux comme celui-là, tout au long de l'histoire
égyptienne. Des
bibliothèques entières ont été transformées en engrais, répandues sur les
champs. Concernant les textes égyptiens, la bibliothèque d'Alexandrie ne
contenait sans doute pas tous les livres scientifiques précieux conservés
dans l'ensemble des temples. |