Ce texte, des années 1980,  apparaît ici malheureusement incomplet pour des raisons techniques. L'auteur prie le lecteur de l'en excuser.

Le champ de la demande et le lit du traitement en psychiatrie

      

docteur jacques de Person

Psychiatre, Praticien Hospitalier au CHS de Fleury les Aubrais (45)

Résumé

          On annonce la suppression matérielle des “Asiles psychiatriques”. Mais, pour nous, le problème de la psychiatrie est autre : c’est la fonction de “voile juridique” dont il tient lieu, au détriment de la qualité des soins. C’est une “légalisation” de la dévalorisation de la parole du “fou” (par de nombreux textes à partir de 1810) qui a permis de fabriquer tout cet appareil de « fétichisation des corps ». On pourrait dire que cette situation exceptionnelle est un “déni de justice légalisé”. Rompre ce système n’est possible qu’en restituant à la parole du fou d’être recevable et à la médecine l’intégrité de sa pratique. La valeur minimale à prendre en considération en matière thérapeutique est la possibilité de la demande ou du refus par le patient de soins, lesquels n’ont pas à se substituer aux actions judiciaires. La possibilité d’hospitalisations pourrait alors être un bienfait. Ces modalités sont pratiquement absentes aujourd’hui par le maintien d’ une chimère (“mode asilaire”) poursuivant simultanément plusieurs objectifs parfaitement hétérogènes.

Introduction

En psychiatrie, la justice est absente en deux circonstances :

Notre étude qui aboutit à la critique de ces deux “anomalies” des « libertés publiques », se fonde pourtant sur une pratique et cherche à répondre à la question suivante : - « de quels moyens, actuellement défectueux aurait-on besoin pour soigner ? »

 Or ces moyens ne sont à notre avis pas tant matériels que législatifs !

I - Le mode asilaire

1)      Un lieu sans poursuites pour faire entendre raison.

Le mot “asile” vient du mot latin “asilum qui vient du mot grec “a-sulon” qui signifie “sans poursuite”. Cette qualification affectait traditionnellement les territoires religieux dans l’ antiquité égyptienne, juive, gréco-latine, puis encore au Moyen Age en Occident. En ces lieux, les anciens s’en remettaient à la justice divine par l’intermédiaire de leurs prêtres. Mais le principe s’effondre avec la laïcité. Une des fonctions traditionnelles de “l'asile d’aliénés départemental ” était d’être un “capteur de psyché ”, c’est-à-dire d’attirer à lui toutes ces choses un peu encore surnaturelles dont on voulait se débarrasser, toutes les folies, tous les démons de la folie, toutes les forces maléfiques et irrationnelles, bref tout ce qui semblait source de tourments au confort bourgeois d’une âme rassurée par les certitudes de "sa raison" et que "la folie" ( de l'autre, bien sûr...), elle, était bien enclose.

Mais ce n’est là encore que le côté passif de l’entreprise auquel il faudrait ajouter une ambition active, celle d’en faire "le grand au ditorium de la Raison”, digne de faire "entendre raison" à n’importe qui et à n’importe quel prix !

On voit que ce rêve n’est pas abandonné aujourd’hui. Le baladeur aurait-il remplacé l’auditorium (!), mais le rêve est le même.

Or, ce que le patient a besoin d’entendre, ce n’est pas la raison, mais "sa folie"(la sienne cette fois), et la justice est nécessaire pour "la circonscrire" plutôt que de "la dénier", dialectique de jargon médical qui , hors de ce cadre d’ailleurs, c'est-à-dire dans les domaines administratifs et juridiques, ne devrait pas opposer "La Raison" à "La Folie", mais "les raisons" aux "torts".

On ne peut pas faire entendre raison pourtant par la force, chacun le sait. La force peut être dissuasive mais non pas thérapeutique. Une force peut faire naître une demande quelconque, et même de soins à l’occasion, ce qui est très différent du traitement lui-même. Encore faut-il que le sujet soit reconnu comme tel, et auteur de ses actes et de sa demande, plutôt que annihilé. Il est donc essentiel pour nous de ne pas écraser d’un même coup les composants fragiles de ce qui est le germe même de la construction d’un psychisme humain. De la part de la justice, on supposerait deux attitudes possibles vis-à-vis de l’auteur d’une transgression — ou bien le sujet n’est pas reconnu fou ” et il peut être accessible à l’argument de puissance, de force d’intimidation, bref de mise à l’épreuve de ses comportements normalement adaptés, et en particulier de son “instinct de conservation ”, mais ce n’est pas à la psychiatrie de menacer un tel sujet! — ou bien le sujet est reconnu comme “fou et il peut s’agir alors de la part de la justice de suspendre éventuellement une procédure (et pas à n’importe quel stade, nous y reviendrons), et pour la psychiatrie, en plus, mais pas à la place de la justice, de faire un travail qui se doit d’être différent (ou sinon, à quoi bon ?) parce que ces arguments d’intimidation ne fonctionnent pas chez un sujet qui ne les comprend pas, qui ne les mesure pas, qui parle une langue étrangère. C’est pourquoi la psychiatrie (en tant que soins aux “fous”) ne comporte dans son essence aucune espèce de contrainte ou de violence de ce type. Et chaque fois qu’ il y a contrainte physique, la première chose à faire pour le médecin est d’en rechercher son origine avant toute dispense de soins ; et presque toujours on décèle un quiproquo, sinon un discutable stratagème, souvent occulte involontairement , parfois à dessein, cela dépendant des intentions du demandeur (de la contrainte, famille, préfet etc. ). Cette plate-forme administrative est actuellement ce qui tient lieu de “lit pour le traitement" en psychiatrie et sans une réelle mise à plat de celle-ci le médecin risque de rester toujours impuissant voire nuisible parce que abusé. Les malentendus font des ravages dans le genèse du psychisme humain : il n’est pas souhaitable de les reproduire au moment des soins ! Donc, ceux-là mêmes qui demandent la substitution de la psychiatrie à la justice devraient au moins demander que les patients y reçoivent un régime différent de celui qui serait le leur à la suite d’une procédure judiciaire, d’une condamnation par exemple. On devrait donc opposer ici, schématiquement, les deux domaines, à commencer par le plan de la liberté physique, qui est un élément tout à fait fondamental dans la différenciation. Il ne s'agit pas du tout de lieu mais de modalités, ce qui est très différent. En effet, d’autres éléments comme les médica­ments “imposés”, les soins dits "psychologiques sous-contrainte" (si tant est que cela puisse exister !) pourraient aussi bien être prodigués n’importe où, que ce soit à domicile, en hôpital ou en prison.

Tout ceci montre suffisamment que l’intérêt d’un hôpital psychiatrique n’est pas précisément d’être un lieu d’enfermement ! Mais il se trouve que l’ancien article 64 du Code Pénal, comme le nouvel article 122-1) fonde bien mal une spécialité alors naissante , qui pêche justement par son manque de fondement et de spécialisation, puisqu’elle se fonde par le négatif. Vu qu’ “il n’y a ni crime ni délit si l’inculpé était en était en état de démence au temps de l’action ou a agi sous l’emprise d’une force à laquelle il n’a pu résister”, on va appeler psychiatrie l’ appareil de remplacement qui devra s’occuper des personnes concernées. Ainsi cette psychiatrie née en 1838 est bien autre chose que la médecine de la folie qui elle est un art immémorial.

2)      La “dé-judiciarisation du fou le prive de ses repères”

Généralement, les défenseurs de l’article 64 (dans son ancienne formulation comme dans la nouvelle de l’article 122-1) ne se posent pas la question des rapports entre la structuration mentale et le juridique.

Davantage peut-on s’étonner de l’attitude paradoxale d’un certain nombre de médecins experts, qui se considèrent comme le “ liant” entre la justice et la psychiatrie. Comme il y a, on l’a compris, deux types de “folies légales”, celle du juge, menant à l’article 64 de 1810, et celle du préfet, menant au placement d’ ;office de 1838, deux points absolument restés inchangés avec les nouveaux textes, mais qu’il y a absence de corrélation naturelle entre les deux domaines, qui fonctionnent chacun pour son compte, l’expert “liant” tente de se place r aux deux niveaux et lorsqu’il plaide pour un non lieu “il demande bien souvent en même temps un enfermement en psychiatrie. On est en plein paradoxe car pourquoi substituer un enfermement à un autre, et que pourra-t-on faire de plus de hôpital ferme qui ne pouvait être fait en prison, sinon que privé de toute reconnaissance de la réalité de ses actes, le patient interné dans un hôpital à la suite d’un article 64 ou 122-1 sera tenté de se faire reconnaître de toutes les manières qui lui passeront à portée de la main sans jamais arriver à une reconnaissance légale répondant à ses recherches identificatoires (lesquelles étaient bien souvent précisé ment à l’origine du crime et du délit comme cause).

Une telle situation est à l’évidence une incitation à une violence artificiellement induite. On assiste même souvent à une escalade qui se prolongera tant que le patient conservera des forces et que le “champ de la reconnaissance” fera la sourde oreille ! Les thèses médicales parlen alors de “pathologies iatrogènes” induites par la psychiatrie. Ce mot signifie que le comportement violent est pathologique et qu’il est induit par la situation médicale (de “iatros” = “médecin”). Mais n’est-ce pas là un pudique mensonge sémantique ? car s’il est vrai que l’attitude du médecin pourrait être en cause, — s’il refusait par exemple au patient d’avoir accès aux “ autorités chargées de la recon­naissance” pour leur faire part de réclamations ou de certains faits et gestes, occurrence rarissime — dans la majorité des cas, au quotidien, rien dans la situation, ne vient de son fait mais tout vient en totalité de l’application stricte d’une législation routinière et inadéquate. Bien plus, lorsque le médecin fait appel aux dites autorités pour une révision de non-lieu par exemple, il se voit opposer une fin de non recevoir même si beaucoup, patient compris, réclament un jugement. En médecine ordinaire et en chirurgie, une hospitalisation peut mettre entre parenthèses les actes de l’individu et les investi­gations judiciaires mais ne s’y substitue pas. Naturellement le médecin est libre de ses choix thérapeutiques et de ses indications. Il peut proclamer l’absence d’indication de soins hospitaliers de soins hospitaliers. En psychiatrie, il devrait en être exactement de même.

Toutes ces réflexions paraissent ne concerner, a priori, que le système hospitalier, et non les soins ambulatoires. En fait, la législation psychiatrique en vigueur étend son influence tant dans les soins ambulatoires publics que dans les soins psychiatriques privés, ambulatoires ou non ; cette législation s’ accompagne partout de son même cortège stigmatisant, qui engendre dès les premiers moments difficiles une kyrielle d’inoppor­tunités appelées à tort “iatrogènes”. Il nous semble donc impérieux qu’ ;une analyse en profondeur de cette législation s’ouvre sur de profonds remaniements, que n’a pas opérés, hélas, la réforme du 27 juin 19890, non plus que celle de l’actuel article 122-1 du code pénal.

Que le névrosé soit “emprisonné” dans sa “névrose psychique” fait partie, en pratique, de la définition des dites maladies. On doit même ajouter que le patient est d’autant moins libre qu’il est plus profondément troublé, mais il s’agit là de considérations médicales désignant des compulsions fantasmatiques par exemple qui n’ont rien a voir avec le langage juridique. Pour aller vite nous ne demandons pas à un juge de sanctionner un fantasme de meurtre (ils seraient vite débordés !) mais pas non plus de fermer les yeux sur un meurtre réel. Précisément notre travail consiste à rendre au patient une liberté de penser qu’il n’a plus ou qu’il n’a jamais eu, en le rendant plus conscient de ce qu’il est, de ce qu’il représente, de ce par quoi il est déterminé, etc. Cela présuppose un engagement traduit par une demande personnelle. Enfermer le patient au nom de sa névrose représente ce qu’en terme technique de psychothérapie s’appelle un “passage à l’acte” dans le registre des erreurs thérapeutiques. Ici, l’enfermement au nom de la névrose, associe à un déni de la valeur des actes délictueux, signifie d’une part que la névrose est sanctionnée comme un délit, et d’autre part que les actes qui seraient pour n’importe quel autre citoyen, sont, par privilège, autorisés pour le névrosé. Ce privilège, c’est ce qu’un infirmier inspiré appelait “l’immunité psychiatrique”, sur le plan juridique et c’est aussi au plan médical, ce que nous pouvons appeler “entré contre avis médical” lorsque le Préfet impose ou maintient un enfermement à l’encontre de ce que pré conise le médecin traitant par exemple, cas qui n’a rien d’exceptionnel en fréquence.

On sanctionne ici une maladie en autorisant injustement les actes au lieu d’autoriser la maladie et de sanctionner les actes. En somme en psychiatrie la maladie n’existe pas ; pas plus que le droit d’être jugé ; Le refus par un juge de juger lorsqu&rs quo;il y a matière s’appelle un “déni de justice”. Cette situation étant légale dès lors que l’auteur de la faute est déclaré dément au moment des faits, nous pourrions avancer l’ ;expression paradoxale de “déni de justice légalisé”.

Pourtant s’il y a un étant de démence qui pourrait gêner une audition, c’est bien la démence au moment de celle-ci et non pas au moment des faits ! Par contre un homme devenu raisonnable pourrait fort bien rendre compte et avoir à rendre compte d’actions antérieures éventuellement même pour être disculpé !

De cette législation extravagante proviennent ces situations aberrantes et sinis­trement cocasses comme celle d’un violent criminel sortant libre et “ guéri” d’un hôpital psychiatrique ou il avait passé un mois à la stupéfaction de ses voisins témoins du drame...

Que le délinquant soit réputé “malade mental” ou non au moment des faits, nous pensons, pour notre part, que dans tous les cas, la justice doit intervenir dans les différentes étapes que sont :

1.      L’instruction des personnes et des faits

2.       Le jugement impliquant le droit à la défense face à une accusation précise

3.      L’éventuelle condamnation individualisée mais non à des soins , nous y revien­drons

4.       Et ce n’est qu’au quatrième niveau, à celui de l’ application de l’éventuelle peine que la justice pourrait être suspendue pour une raison médicale. Ajoutons ici que, lorsqu’une peine est appliqué ;es par un juge d’ “application des peines, cela ne consiste pas du tout à jeter le condamné aux oubliettes, mais, au contraire, à l’amener à sa réhabilitation sociale.

Il n’y a pas d’autre façon de “signifier” la différence entre la réalité et l’imagination que de ponctuer la réalité par des actes à valeur juridique. Dans son sens le plus large, le “ juridique” — ordre de la loi — nous conduit à rédiger des actes dans les grandes circonstances de la vie : acte de naissance, de mariage, de décès, etc. Il n’y a pas de structure mentale sans système juridique. En ce sens, si la justice peut se passer de la psychiatrie, la psychiatrie, elle, ne peut se passer de la justice.

Cette privation de reconnaissance constitue l’essentiel de notre critique des articles 64 et 122-1 du Code Pénal. Si l’article 64 s’expliquait en 1810 par une longue tradition quasi-universelle de tolérance vis-à-vis des fous livrés à la justice des dieux, et allait même, à notre avis dans le sens d’une responsabilisation en limitant dans la loi les cas d’irresponsabilité, le nouveau Code Pénal nous semble plus inexplicable dans le contexte culturel actuel.

3)      Ce “déni de justice légalisé” fonde le “mode asilaire”

On pourrait même aller jusqu’à dire que si la psychiatrie est une vraie médecine — et il faudrait bien se prononcer un jour — et si la Justice veut prononcer des “non-lieu” pour cause de maladie — ce qui est pour nous une absurdité hormis le cas d’un moribond — elle n’a même pas à chercher s’il s’agit davantage d’une affection chirurgicale que médicale ou psychiatrique. Cette distinction n’est pas de son ressort ! Soulignons d’ailleurs en passant que la médecine humaine étant “ une” spécialité, tout médecin sait que ces trois dites spécialités ne sont définies que par les techniques d’approche et non par la lésion. Ainsi une même tumeur peut relever de la chirurgie et/ou de la médecine et/ou de la psychiatrie !

Certes l’administration pourrait rétorquer que les non-lieu sont prononcés en raison de la “démence” et que cela n’est pas “de la psychiatrie”. Mais c’est pour jouer sur les mots. En effet, les “experts es démence” sont des psychiatres.

D’autre part notre réflexion porte ici sur des idées et des systèmes et non pas sur un vocabulaire — qu’il faut souvent dénoncer —.

Ainsi même si les éléments sont dissociables, ladite démence, le non lieu pénal et l’internement psychiatrique forment un premier cas de figure cohérent dont les éléments sont complémentaires et soustraits au Pénal ; c’est même le paradigme de la situation administrative de la psychiatrie.

Et la seconde situation que nous dénonçons, l’absence du droit à être jugé, l’absence de défense du patient en cas d’internement non motivé par un acte normalement pénalement répréhensible est un autre ensemble cohérent moulé sur le premier, réplique simplifiée de celui-ci.

Au total, on retiendra que la situation psychiatrique relève d’une thématique qui n’a rien à voir avec les traditionnels bâtiments ou “ territoires” de “l’Asile” : l’Asile est “réifié” au lieu du “corps du malade” (lieu physique du non-lieu symbolique !).

4)      Privé de parole, le corps est fétichisé

Mais tout de suite, remarquons que le rassemblement des corps en un asile n’est qu’un mécanisme second. Le mécanisme premier est le repérage du supposé “malade mental” dans la société, et fétichisation de tout son corps par privation de parole qui lui est faite.

En ce sens “l’Asile”, c’est ce statut qui est fait au corps du patient où qu’il soit et non les murs, ni sous leur forme solide ni sous leur forme camisolaire ou liquide injectable. L’ “Asile”, on pourrait avancer que c’est le semblant de médecine mise au service d’un pouvoir quand précisément il la réduit à être le simple exécutant de son arbitraire bon vouloir “Au nom de” la santé mentale. L’Asile entendu ainsi est avant tout une fonction perverse de fétichisation.

La violence de l’enfermement n’est que le masque masquant le total désarroi de la réponse au discours déclaré “hors norme” et même une certaine “dérobade” de l’autorité judiciaire qui refuse de l’entendre. L’Asile ne serait alors qu’un énorme voile pudique qui donne à la folie un statut qu’elle ne mérite pas et qui maintient l’aliénation du côté du voyeur.

5)      Cette thématique n’a rien à voir avec un lieu géographique

Les lois sur la sectorisation, qui ont fait sortir les malades de leur statut hospitalier, ont aussi étendu celui-ci jusqu’à leur domicile, avant, sans ou après hospitalisation. Et que penser des …………….
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L’Asile» entendu en ce sens n’a évidemment plus rien à voir avec l’enceinte traditionnelle qui le limitait. L’extra-hospitalier psychiatrique aujourd’hui, est encore un prolongement de l’asile de 1838. La psychiatrie infantile actuelle semble poser exactement le même type de problèmes que la psychiatrie adulte de 1810. Ainsi pourrait-on comparer le rôle du juge pour enfant avec celui du juge de l’article 64.

Il est paradoxal de voir des gens prôner les bienfaits des Placements Volontaires — en pratique souvent d’ailleurs, ailleurs que dans leur propre service ! — et demander en théorie la fermeture des hôpitaux psychiatriques en pré tendant vouloir s’en passer au nom d’un courant idéologique à la mode. Cela aboutit aux “internements “ « ailleurs », simple déplacement d’un problème qui reste entier. Il n’y a pas d’autre moyen de supprimer l’Asile que de supprimer la loi qui le fonde — celle de 1838 (devenue celle de 1990) —, et les soins obligatoires “au nom de” Santé mentale (fonction de “schifter” légitimant que certaines situations dites dangereuses ne soient pas déférées à la justice).

On s’étonne que des remaniements plus profonds n’aient pas précédé des considérations sur le thème du secteur que l’on aurait souhaitée autres que surtout géographiques. En outre, le C.H.S. se profile encore toujours derrière les variétés de structure d’accueil comme une vague ……………..

ou mieux, comme quelque chose qui fait que ni le malade n’est vraiment libre de s’exprimer, ni le médecin vraiment libre de prescrire, ni débarrassé de l’inassumable de ses responsabilités que nous verrons plus loin.

Si l’on admet le principe de la continuité des soins comme principe important de notre activité, comment d’ailleurs pourrions nous expliquer (au travers de la dimension du transfert psychologique, essentielle dans notre métier) que nous travaillons de telle façon au dispensaire, mais de telle autre à l’hôpital et tous types de problèmes de ce genre que nous connaissons fort bien ; car de toute façon, nous avons dans tous les cas besoin des mêmes éléments : une parole libre du patient, un secret professionnel qui en soit le garant, et une liberté thérapeutique dans le cadre de la déontologie, en réponse à l’engagement libre de patient demandeur.

I - Problèmes déontologiques des soignants en psychiatrie

1)      Il faut distinguer deux langages dans les lieux de soins

Si le patient est privé des effets de sa parole dans un nombre important de ses relations extérieures, qu’en est-il à l’intérieur même d’un lieu supposé apte à la relation thérapeutique ?

Parole “dévalorisée” par le statut dit de “malade mental”, parole rendue “irrecevable” par la législation des tutelles et des curatelles, parole “sanctionnée” par des certificats adressés à la Préfecture, etc..

……………………………………………

….l’utilisation  « d’un double registre de  langage »  du fait de la fusion  entre 

1.      « le langage de la relation d’ordre impératif » ,c’est celui

·        de la préfecture,

·        de la direction de l’hôpital etc..

 

2        «  le langage à visée psycho-thérapique » et nous avons eu pour habitude de distinguer, là, trois signifiés pour chaque signifiant :

1        Celui du « dictionnaire de référence » , et parmi ceux-ci, bien entendu, il y a :

un «  langage populaire », qui est simplement celui du non-spécialiste, en général le seul utilisé par les patients, sauf « initiés ». Ce jargon ne trouve son usage que dans un cadre précis : utilisé ailleurs, il aurait un autre sens. Il  est différent du

 « jargon » médical : A l’intérieur même de la médecine, il y a des spécialités. C’est ainsi que :

en cardiologie, IVG signifie Insuffisance Ventriculaire Gauche, mais en obstétrique, IVG signifie Interruption Volontaire de Grossesse. On pourrait multiplier les exemples.

    Dans les dossiers, PV = Procès Verbal et Placement Volontaire.

C’est pourquoi on ne peut pas utiliser un vocabulaire de psy.* dans une dimension policière et inversement. La encore, il y a un langage de référence, c’est à dire que lorsqu’un psy.* parle avec un policier, il faut utiliser un langage partagé (« un dictionnaire ») de référence, sinon chacun parlerait avec son jargon de spécialiste, et on ne se comprendrait pas. On pourrait aller encore beaucoup plus loin dans la recherche des malentendus, par exemple lorsque deux chercheurs de formation différente parlent entre eux, etc.

2        Le second est celui du patient dans ses intimités

3        Le troisième est le nôtre intime  propre

……Dans ces conditions, on comprendra mieux le sens du mot « délire », et les causes des incompréhensions. Elles ne sont pas tant le fait d’une langue étrangère que la confusion de l’utilisation du même mot, dans une même langue, dans des acceptations différentes. Cela tire origine de la maturation propre de chacun, dans un milieu déterminé, plus ou moins isolé et recevable par ledit patient, et en particulier dans son développement affectif.

En pratique de la psychiatrie ces distinctions sont absolument essentielles.

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Table des matières   ( lorsque le texte aura retrouvé son intégrité )

I.                   Le “mode asilaire”

1        Un lieu “sans poursuites” pour faire “entendre raison”.

2         La “dé-judiciarisation” du fou le prive de ses repères.

3        Ce “déni de justice légalisé” fonde le “mode asilaire”.

4         Privé de parole, le corps est fétichisé.

5        Cette thématique n’a rien à voir avec le lieu géographique des “soins”.

II.                Problèmes déontologiques des soignants en psychiatrie

1        Il faut distinguer deux langages dans les lieux de soins.

2        La spécificité psychiatrique au sein des autres médecines.

3        La psychiatrie ne doit pas assumer tous les rôles.

4        A la privation de parole des patients répond un “flou” dans la responsabilité des soignants.

5        Un “engagement” perverti par une ambition chimérique.

6        Une déontologie médicale faite de “dérogations”.

7        L’infirmier est censé combler les manques d’une parole évacuée.

III.             La pratique et l’éthique

1        L’internement arbitraire.

2        La distinction actuelle des types d’hospitalisation est illusoire.

3        Une contrainte véritablement médicale.

4        Un espace de liberté respecté.

Une anecdote fera apercevoir la thématique :
Un juge d'application des peines de la prison de Fresne proposa à un "condamné détenu" une "libération anticipée" en échange d'un "suivi de psychothérapie" en dispensaire.
Le médecin de la prison du détenu m'a alors demandé d'être le psychothérapeute du détenu libéré.
Etonné, et sans demande de la part de la personne concernée, j'ai d'abord refusé une telle forme de prise en charge, en disant à mon collègue qu'une psychothérapie sérieuse ne pouvait être que librement demandée et suivie.
Mais le médecin m'a rappelé et reformulé avec insistance sa demande, qui avait été d'abord celle du juge, et à présent était devenue aussi celle du futur "patient", en me disant que celui-ci s'était mis à "délirer", que son état mental donc "s'aggravait", et que les deux affirmaient que tout cela, et y compris s'il était toujours en prison, était à cause de moi, à cause de mon refus.
Mais, de plus, il n' avait pu y avoir jusque là le moindre échange entre ledit patient et moi-même. Finalement, pour éviter ladite "aggravation de son état" j'ai donné mon accord pour assurer la soi-disant "psychothérapie". Ledit "patient" est venu un petit nombre de fois me demander la simple apposition d'un tampon sur une feuille, puis sans prévenir, prit « la poudre d’escampette », mettant fin ainsi tant au suivi de Fresne qu'à celui du dispensaire. Il n’a même jamais exposé, au dispensaire, le moindre élément de sa sémiologie pathologique. Cela priva le "présumé patient" de tout ce qui aurait pu être entrepris de bénéfique pour lui, si la place du " champ de la demande" et celle de la "prise en charge" avaient été correctement respectés .

 

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